Liste des musées et monuments nationaux gratuits pour les jeunes 18-25 ans, professeurs et enseignants > cliquez ici
18.01.09 | DJEUN, ON EST CONTENT POUR TOI, c’est clair. Mais question démagogie, la décision du président de la République se pose là, c’est encore plus clair. Car, annoncée le 13 janvier pour entrer en application début avril, la mesure spectaculaire et attractive à première vue risque de ne concerner qu’une infime partie des moins de 26 ans [1] soit les plus familiarisées à l’univers des musées, et de n’avoir aucun effet sur ceux qui en sont éloignés sociologiquement, c’est-à-dire le plus grand nombre [2].
Ce n’est pas un esprit anti-sarkozyste primaire qui nous fait médire mais la conclusion d’une étude très sérieuse du CREDOC parue en octobre 2008 [3] dont le Président est lui-même à l’origine. L’enquête avait pour objet d’étudier l’impact de la gratuité des musées sur les 18-25 ans à travers l’expérience de « nocturnes » qui leur ont été proposés durant six mois par quatre grandes institutions parisiennes : le Louvre, Orsay, Pompidou et le Quai Branly. L’expérience s’inscrivait dans le cadre de l’expérimentation globale menée dans le même temps dans 14 musées et monuments nationaux, opération pilotée par le ministère de la Culture, voulue par le Premier ministre suite à la promesse électorale du candidat Sarkozy [4].
Les résultats de l’enquête du CREDOC sont sans ambiguïtés. Si on note une forte hausse de la fréquentation des jeunes durant ces soirées démontrant le caractère incitatif de la gratuité, elle est dûe essentiellement à l’afflux de la part d’entre eux déjà initiée et habituée à l’univers des musées. Seulement 5% des participants reconnaissent ne pas y avoir mis les pieds durant les douze derniers mois. Par ailleurs, l’étude relève que les « faiblement diplômés ont beaucoup moins profité de la mesure que les plus diplômés » quand les jeunes employés et ouvriers n’ont représenté que 6% des visiteurs. Ainsi, au fil de l’enquête, un profil type du jeune visiteur de musée se dégage. Culturellement « favorisé », il est étudiant donc issu majoritairement de milieux aisés [5], parisien ou touriste, le banlieusard se faisant très discret au même titre que le provincial [6].
Si les adeptes de ces happy hours culturels seront certainement très heureux de la décision du président de la République, niveau démocratisation culturelle, on flirte avec l’effet zéro : « il est manifeste que la mesure de gratuité ne parvient pas, à elle seule, à compenser le déficit de démocratisation dans l’accès à la culture » conclut l’étude car « pour les jeunes qui vont rarement au musée, le manque d’intérêt est un obstacle plus difficile à surmonter que le prix ». Et c’est bien là le hic.
Dans son allocution, le Président fait totalement l’impasse sur cette dimension pourtant essentielle, coeur d’une véritable politique de démocratisation culturelle qu’il appelait de ses voeux lors de la campagne présidentielle en promettant « un nouveau souffle ». A l’UMP, on parlait alors d’encourager les musées à aller au devant des « populations détenant moins de capital culturel ». Maintenant que leurs portes vont être grandes ouvertes aux 18-25 ans, de quels moyens ces institutions publiques disposeront-elles pour mener à bien l’entreprise de sensibilisation indispensable à l’efficacité de la mesure afin qu’elle n’ait pas l’effet paradoxal de renforcer les inégalités culturelles entre les jeunes ? C’est bien simple, aucun.
Dans le budget 2009 du ministère de la Culture, la part consacrée à la démocratisation culturelle continue inexorablement de baisser - la première année de la présidence Sarkozy, elle chutait même de 22% [7] ! - et, en octobre, les responsables des grands musées pourtant très en Cour avec le Pouvoir, s’inquiétaient déjà de la baisse annoncée de leurs crédits, certains d’entre eux n’hésitant par à parler, sous couvert d’anonymat, de « privatisation » et de « désengagement de l’Etat » comme de vulgaires gauchistes [8]. Et quid à l’avenir des 25 millions d’euros qui leur sera alloués en 2009 pour compenser la perte de recettes entraînée par l’application de la mesure la première année [9] ?
De ces réalités contingentes, Nicolas Sarkozy n’en a cure. Pire, dans son discours de Nîmes, il laisse croire à l’effet magique de gratuité, ce qui est totalement contredit par les résultats de l’expérimentation à 3 millions d’euros qu’il a lui-même ordonnée. Quittant quelques secondes ses notes pour se lancer dans un de ses numéros de bateleur qu’il affectionne, jouant des amalgames ou révélant sa méconnaissance totale du dossier, le jeune auquel il pense est en réalité un enfant ! Peut-être ignore-t-il que les moins de 18 ans bénéficient déjà de la gratuité des musées depuis longtemps.
Les résultats de l’enquête Jeunes rejoignent ceux de l’expérimentation tout-public achevée en juin 2008 d’après ce qu’a bien voulu en dire le ministère de la Culture. Curieusement, l’étude confiée au cabinet Public & Culture pour un coût de 85 000€ [10] n’a toujours pas été rendue publique et, aux dernières nouvelles, ne le sera pas. Ses conclusions réelles ne concordaient peut-être pas avec les intentions de la ministre de la Culture et du Président. On en connaît seulement les grandes lignes... officielles. Ainsi, peut-on lire sur le site du Premier ministre : « Les études ont montré que l’expérience de gratuité totale avait provoqué une hausse de fréquentation mais attirait toujours le même type de visiteurs, contrairement à l’effet recherché ».
On peut alors légitimement s’interroger sur la gratuité accordée aux seuls djeun’s alors que « l’effet recherché » n’a pas plus été atteint pour eux que pour le reste de la population selon les dires du ministère (Réflexion à corriger devant la publication du « rapport caché » de l’expérimentation non consultable à la date de la rédaction de cet article). Ne faut-il pas y voir une mesure spectaculaire, aussitôt présentée par les médias comme un cadeau, destinée à flatter l’opinion et à satisfaire l’amour-propre d’un Président qui ne veut pas apparaître renoncant à une promesse de campagne de plus ? Le Parti Socialiste, en réagissant à son allocution, parle de « populisme culturel ». On ne peut pas mieux dire. C’est clair. Ceci dit, bonne gratuité des musées aux jeunes qui auront la chance d’en profiter.
Lire aussi notre article « Gratuité des musées pour les professeurs... déjà annoncée il y a un an »
Quelle mauvaise fois dans cette article, cela fait frémir.
Vous partez du principe que les musée sont fréquentés par les plus favorisés pour démontrer votre thèse…sauf qu’il s’agit justement de changer précisément cela ! C’est un raisonnement absurde du seul point de vu de la logique. Personne ne prétend que la gratuité résoudra définitivement le problème de la culture pour tous, mais il s’agit là indubitablement d’une barrière majeure de levée.
Votre position non véritablement réfléchie et hasardeuse, opportuniste et bourrée de rancoeur, pour ne pas dire de frustration (vous auriez peut-être préféré que ce soit la gauche qui prenne cette mesure ?), révèle un dogmatisme anti-droite qui me parait dangereux. Et pas à la hauteur.
Monsieur,
Vos propres préjugés vous ont certainement empêché d’apprécier objectivement notre article et de manquer vous-même de logique. Nous ne démontrons pas une thèse, pas plus que nous ne partons « du principe que les musée sont fréquentés par les plus favorisés ». Où est-ce écrit dans notre article ?
Notre point de vue, que vous jugez hasardeux, s’appuie sur une étude du CREDOC, spécifiquement sur le public jeune, qui a été initié par le ministère de la Culture dans le cadre de l’expérimentation de la gratuité dans 14 musées nationaux (nous ne sommes pas nombreux à lire réellement les études et non à se contenter des communiqués politiques). Cette étude devant justement servir à mesurer l’impact de la gratuité sur cette catégorie de population pour ensuite prendre des décisions politiques dans le sens d’une diversification des publics, a démontré, comme nous l’écrivons, que les jeunes concernés ne l’ont été massivement que dans les couches les plus favorisés (à la différence des conclusions concernant la population générale présentées dans une seconde étude). Mais peut-être que le CREDOC est anti-droite pour employer votre expression.
La gratuité, pour les jeunes, n’a donc pas, à première vue, le rôle qu’on en attend, non d’en augmenter le nombre mais d’en diversifier les profils sociologiques. Malgré ce constat, le président a décidé d’appliquer la gratuité aux 18-25 ans, c’est pour cela que nous avons jugé sa décision démagogique. Maintenant que la gratuité est appliquée, nous attendons une nouvelle étude sur le sujet qui nous ferait réviser notre jugement. Or, le ministère ne diffuse des données uniquement quantitatives et jamais qualitatives. Mais peut-être que vous, qui semblez si réfléchi et si objectif, en disposez-vous ?
[1] Le Président se serait planté en disant « moins de 25 ans » selon la Direction des musées de France (DMF) alors que le site Internet du ministère de la Culture reproduit les propos du Président sans correction. Pour être plus exact, la mesure concerne les 18-25 ans, les mineurs bénéficiant déjà depuis longtemps de la gratuité d’accès aux musées et monuments nationaux. Par ailleurs, la DMF nous indique que la mesure ne s’appliquerait qu’aux jeunes de l’Union Européenne, ce que nous trouvons plutôt bizarre. La DMF n’est, pour l’instant, pas en mesure de nous répondre sur le cas des jeunes étrangers hors U.E. résidant en France, par exemple, pour leurs études.
[2] On estime à environ 10% la proportion des 18-25 ans sur les 62 millions de français recensés en 2006, soit 6.2 millions de jeunes. Le nombre d’étudiants est lui de 2,3 millions (Chiffre ministère de l’Education nationale 2006-07).
[3] « La nocturne gratuite, un bon plan pour les jeunes et pour les musées » par Bruno Maresca, CREDOC, n°215 | 10.08. Etude menée sur la base d’enquêtes réalisées par le CRÉDOC et Sciences Po Paris, coordonnée par Anne Krebs du service des études du musée du Louvre.
[4] A l’issue de l’expérimentation, les expériences se sont poursuivies. Le Louvre, pilote en la matière, propose un nocturne gratuit pour les moins de 26 ans tous les vendredis à partir de 18h depuis février 2004. En 2006, les nocturnes jeunes du Louvre ont attiré 100 000 visiteurs. En outre, le musée propose la carte Louvre Jeunes à 15€, tarif inchangé depuis sa création en 1996 (Sources : « Projet d’expérimentation pour la gratuité des musées » ministère de la Culture | 23.10.07).
Le musée d’Orsay s’y est mis plus timidement depuis la rentrée 2008 en invitant les jeunes de moins de 31 ans à des soirées gratuites exceptionnelles et en proposant aux jeunes le dernier jeudi de chaque mois des animations gratuites en plus de l’entrée à tarif réduit à 7€. Enfin le musée du quai Branly, à partir de janvier 2009, propose un nocturne gratuit pour les moins de 26 ans tous les samedis de 18h à 21h. Seul, étrangement, à notre connaissance, le centre Pompidou ne propose rien de ce type si ce n’est comme tous un Pass annuel Jeunes à moindre coût.
[5] "En France métropolitaine et dans les DOM, l’origine sociale des étudiants français évolue très peu d’une année sur l’autre : les étudiants des catégories sociales les plus favorisées continuent à être fortement surreprésentés au détriment de ceux de catégories sociales plus modestes.« in »L’origine socioprofessionnelle des étudiants français", site Internet du ministère de l’Education nationale, repères et références statistiques.
[6] On peut supposer que la proportion des catégories de jeunes les moins bénéficiaires de l’opération augmentera sensiblement dans le cadre d’une gratuité permanente, le caractère spécifiquement nocturne de l’événement ayant certainement joué en la défaveur des jeunes salariés, des banlieusards et plus encore des provinciaux.
[7] Déjà en baisse l’année dernière de - 2,9% par rapport à 2007 (467,8 M€ ), le budget 2009 annonce des crédits de 460,1 M€ pour la section « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », soit une baisse de - 1,7%, à l’intérieur de laquelle la section « Action en faveur de l’accès à la culture » accuse une baisse de - 2,9% (54,3M€ pour 2009 contre 55,9M€ en CP pour 2008), une pacotille par rapport à la baisse de l’année dernière de 22% ! Tous les chiffres cités sont en crédits de paiement (CP). Sur le budget 2008, lire notre article « Accès à la Culture, Sarkozy s’asseoit sur sa promesse ».
[8] « Les grandes institutions dénoncent les coupes financières » par Clarisse Fabre, LE MONDE | 13.10.08.
[9] « Le coût de la mesure, qui sera compensée financièrement aux établissements, est évalué à 25 millions d’euros par an. Pour 2009, la somme pourra être prélevée des 5% de budget que doit geler chaque année chaque ministère, a précisé le ministère de la Culture. », AFP | 13.01.09
[10] Chiffre donné par Mme Albanel au Sénat le 26 mars 2008, l’expérimentation étant estimée à 2,3 millions d’euros.