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Citation page 12 (avec une référence à Bourdieu qui doit s’en retourner dans sa tombe) :
"2.1.2 L’accès du plus grand nombre à la culture
Aux obstacles à la création s’ajoutent ceux qui restreignent la diffusion des oeuvres culturelles. L’accès à la culture est en effet marqué par de grandes inégalités qui privent le « droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté », affirmé par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, d’une véritable dimension concrète.
La consommation culturelle est concentrée sur une minorité de la population, généralement dotée d’un niveau élevé de diplômes. Pour de nombreuses catégories de personnes, l’activité culturelle est en revanche réduite, particulièrement lorsqu’il s’agit des créations contemporaines, et abordée avec appréhension. De nombreux sociologues ont, à cet égard, souligné la réticence que peuvent avoir certains individus à pénétrer dans les musées, identifiés à tort comme des lieux inaccessibles, réservés à une élite et à des oeuvres dont on ne maîtrise pas le sens. Cette sacralisation de la culture crée une sorte d’inhibition culturelle qui aboutit à exclure une partie des publics des équipements culturels.
L’inégalité d’accès à la culture est au surplus un problème en soi. Elle restreint le champ de diffusion de l’héritage culturel et de la création artistique, dont l’importance a été soulignée pour promouvoir une société ouverte, soudée, écoutée et rayonnante. Mais elle est d’autant plus inacceptable qu’elle est elle-même la source d’autres inégalités dans les domaines économique et social.
La fréquentation régulière des lieux de culture, la lecture fréquente de livres, la connaissance des artistes d’hier et d’aujourd’hui ou la possession d’une culture musicale sont quelques uns des éléments qui déterminent le « capital culturel » des élèves, pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron [1]. Ce capital est inégal selon les élèves, puisqu’il dépend en partie de leur origine sociale et des pratiques culturelles de leurs proches. Or, le capital culturel influence fortement la réussite scolaire des élèves. Accepter cette inégalité, c’est donc se résigner à ce que l’égalité des chances soit foulée aux pieds. OEuvrer à l’élargissement permanent du champ d’accès à la culture, en renforçant notamment l’éducation culturelle et artistique, répond à un souci de justice sociale, qui impose qu’aucun parcours ne soit déterminé dès la naissance.« Citation pages 42 & 43 : »2.2 Les mesures de gratuité d’accès ont fait leur preuve et doivent être renforcées.
2.2.1 La gratuité d’accès aux musées permet de lever un certain nombre d’obstacles à la fréquentation du grand public.
La gratuité d’accès aux musées est une idée ancienne. Dès les XVIIIème et XIXème siècles, le British museum et la National gallery de Londres fonctionnaient selon cette modalité, au motif que le patrimoine devait être accessibles à tous. Aujourd’hui encore, et après une période de non-gratuité, ces institutions sont gratuites, de même qu’un certain nombre de musées américains parmi les plus prestigieux (Metropolitan museum, etc.) [2].
En France, la gratuité dans les musées, de principe à l’origine, a été remise en cause à partir à partir de la fin du XIXème siècle, date à laquelle les premières tarifications des collections ont fait leur apparition. La tarification a progressivement été généralisée dans les années 70 et 80, sous le double effet des besoins croissants de financement et de la diminution des subventions publiques.
A partir de la seconde moitié des années 90, la question de la gratuité de l’accès aux musées est revenue sur le devant de la scène [3]. Le rapport Rigaud de 1996 reconnaissait que le retour à la gratuité serait de nature à réaffirmer certains des principes fondateurs de la politique culturelle. Depuis 1996, sur décision du ministère de la Culture, le Louvre ouvre gratuitement ses portes un dimanche par mois. Depuis 2000, la mesure est étendue à tous les musées nationaux et, dans une certaine mesure, aux monuments de l’Etat [4].
Compte tenu de l’objectif initial de démocratisation accrue de l’accès aux
collections muséales, le bilan de ces mesures est satisfaisant :
la gratuité augmente le nombre de visites. Pour le Louvre, de 1996 à 2000, la hausse de fréquentation le jour de gratuité a été de 60% ; il faut noter que le dimanche gratuit est le seul jour où les visiteurs étrangers ne sont pas plus nombreux que les visiteurs français. Pour les autres musées nationaux, une hausse similaire de 66% a été observée [5] ;
la gratuité augmente la part des populations les moins favorisées dans le public. Les employés sont ainsi surreprésentés lors des dimanches gratuits. La gratuité démocratise l’accès aux musées.
Ces résultats encourageants incitent à renforcer les mesures de gratuité en assurant la gratuité pour les moins de 25 ans et un jour gratuit par semaine pour tous les publics. Le financement de cette mesure pourrait être assuré en augmentant les ressources du mécénat, en incitant les musées à développer des espaces marchands (boutiques de musées, cafétérias, etc.) et en retrouvant des marges de manoeuvre au sein du budget de la culture.
D’autres barrières à la fréquentation des musées par certaines catégories socioprofessionnelles existent. Le musée « impressionne » le visiteur, ce qui peut être rédhibitoire pour les populations détenant moins de « capital culturel ». Les actions des musées pour « décomplexer » les publics sont à cet égard essentielles et doivent être encouragées."
Source : page 12 puis 42 & 43 du dossier complet de la Convention Culture UMP / Présidentielles 2007
[1] BOURDIEU P. et PASSERON J.-C., Les héritiers, Editions de minuit, 1964
[2] Le don est toutefois vivement recommandé.
[3] N’est pas évoquée ici la question des mesures catégorielles de gratuité, à destination de certains publics à revenus modestes (allocataires du RMI) ou ayant un intérêt particulier dans l’art (étudiants en arts).
[4] La ville de Paris a de son côté décidé de rendre gratuit l’accès aux collections permanentes des musées dont elle a la charge. Les expositions temporaires demeurent toutefois payantes.
[5] Pour les musées de la ville de Paris, la fréquentation a elle aussi connu une hausse importante, profitant évidemment aux collections permanentes, mais aussi aux expositions temporaires payantes.