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Versailles et art contemporain, dommages et intérêts

Louvre pour tous |

Bernard Hasquenoph | 29/06/2011 | 15:10 | 5 commentaires


Comment concilier patrimoine et création ? Les expositions d’art contemporain à Versailles focalisent l’attention de par la renommée du site. Mais, loin d’être un gage de qualité, les polémiques qu’elles soulèvent ne sont-elles pas le signe d’un échec ? Car, loin de tout débat manichéen, bien des points sont critiquables dans leur réalisation. Ce que ne se privent pas de faire des figures engagées... pour l’art contemporain.

« Peut-on faire du palais de Versailles un simple show room pour un artiste, aussi excellent soit-il ? Non. Peut-on demander à un artiste de travailler pendant deux ou trois ans dans Versailles à la réalisation d’une exposition ? Oui, peut-être. Là est toute la différence. Je sens quelque chose de l’ordre de la fainéantise chez Aillagon. »
Olivier Cena, critique d’art à Télérama, Versailles controversé, SciencesPo | 2010

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Murakami Versailles ©BH

29.06.11 | PROMIS, JURÉ, CRACHÉ sur l’Urinoir de Marcel Duchamp ! Sans doute faut-il d’abord montrer patte blanche pour oser porter un regard critique sur les expositions d’art contemporain à Versailles. Aussi tenons-nous à préciser en préambule que nous ne sommes absolument pas opposé à leur présence dans un site ancien. Tellement peu que nous avons apporté notre soutien au Château quand, en 2008, lors de l’expo Jeff Koons Versailles, un premier procès visant à l’interdire avait été intenté contre l’établissement public, ce qui nous avait valu un coup de fil de remerciement de son actuel président, Jean-Jacques Aillagon himself. Il est évidemment intéressant de connaître le regard que les artistes d’aujourd’hui peuvent porter sur les oeuvres d’hier, démarche loin d’être une nouveauté au regard de l’Histoire de l’art, tellement les croisements sont nombreux. Pour chacune de ces expos, nous avons été plus ou moins séduit, nous l’avons écrit, ce qui ne nous a jamais empêché d’essayer d’avoir une vue moins égocentrée et plus service public, comme de comprendre les réactions d’agacement, voir de rejet de certains visiteurs face à une exposition que la plupart n’avait pas choisie et pour avoir nous-même été confronté, ailleurs, à cette expérience parfois déplaisante. Car une fois posé le principe d’acceptation de ce type de manifestations, tout dépend encore de leur mise en oeuvre et de la place laissée au public.

Il faut peut-être déjà remarquer que ces expositions ne sont rien d’autres que des exercices de style, loin de tout ce blabla historicisant qu’on nous sert chaque année pour justifier leur existence, du type : Versailles a été contemporain de son temps, plus que plate lapalissade [1] ; Louis XIV aurait adoré ou comment faire parler un mort et l’instrumentaliser de manière aussi saugrenue que les détracteurs de ces expositions le font au nom de sa mémoire [2] ; Versailles est une stratification de styles... oui et alors ? comme quasi tous les châteaux et demeures transmis de génération en génération. Si marier le moderne à l’ancien n’a rien d’un sacrilège et peut aboutir à de vraies réussites (comme à de piteux échecs), c’est néanmoins oublier un peu vite la notion même de patrimoine qui se définit comme un héritage qu’on estime devoir conserver en l’état, pour son intérêt historique et artistique, comme témoignage d’une époque. Autant dire qu’un monument classé n’est rien d’autre qu’« un objet plongé dans la naphtaline  », ce que dénie pourtant par cette formule-slogan l’ex-ministre de la Culture qu’est M. Aillagon [3]. Et quand on y réfléchit, il y a bien une certaine contradiction à dépenser des sommes folles pour entretenir un domaine comme Versailles, le restaurer, en reconstituer des éléments disparus, vouloir protéger le paysage qui l’entoure, en remeubler les intérieurs au plus près de leur réalité historique pour, au final ne serait-ce que provisoirement, y placer des éléments contemporains qui, de fait, tranchent par leur anachronisme. Et c’est vrai à Versailles plus que nulle part ailleurs, compte tenu d’une volonté acharnée de lui rendre sa magnificence passée et ce, depuis des décennies. Une démarche érigée en doctrine, posture très datée à la Viollet-le-Duc défendue pourtant par le même Aillagon jusqu’à la création en 2006 de la grille Royale, pastiche néo-Grand Siècle qui, personnellement, nous choque peut-être plus que ces oeuvres contemporaines transitoires.

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Création contemporaine ou pastiche néo-XVIIe : la grille Royale | 07.08 © Bernard Hasquenoph

Le débat de l’exposition de l’art contemporain dans les monuments historiques est loin d’être clos et reste passionnant car il pose la question de la place que l’on réserve au patrimoine dans notre société moderne, de notre perception du passé, de sa mise en scène et de son authenticité, de sa relation au présent... Aussi, il est affligeant de le réduire à une simple querelle des Anciens et des Modernes alors que nous sommes tous habités par ces deux tendances, oscillant sans cesse entre nos racines et notre envie d’avenir. Laisser la réflexion et la contradiction, comme le fait la presse dans un manichéisme rassurant et dans une complaisance courtisane pour les dirigeants du Château, quand ce n’est pas à des personnalités ultra-conservatrices à quelques militants réactionnaires aux accointances certaines avec l’extrême-droite, trop contents d’une telle publicité, reste navrant. Quand il est manifeste que ces personnes, la plupart sous pseudos, sont moins en bataille contre toute idée de confrontation esthétique qu’en guerre ouverte contre l’Art contemporain tout entier qu’ils nomment de l’acronyme facile AC pour en ignorer la diversité. Quand, derrière une prétendue défense du libre choix des visiteurs, ils mènent en réalité un combat politique contre une prétendue décadence morale de notre société en des termes parfois aussi écoeurants que ce qu’ils entendent dénoncer. Pourtant les deux points de vue - confronter or not confronter l’art contemporain à l’ancien - sont autant défendables l’un que l’autre selon que l’on se place du côté de la préservation du patrimoine ou de celui de la création vivante, le but étant de parvenir à les concilier et à les faire cohabiter dans le respect des lieux, des artistes et des publics. Est-ce bien toujours le cas ?

DE L’ART CONTEMPORAIN POUR QUEL PUBLIC ?
Pour les personnes comme nous qui habitons l’Ile-de-France (et qui bénéficions de la gratuité d’entrée dans les musées), ce n’est pas vraiment un problème puisque nous avons la possibilité de venir à Versailles quand bon nous semble, avec comme privilège la liberté de pouvoir apprécier ce domaine exceptionnel avec ou sans art contemporain. Pas un problème non plus pour celles qui s’y rendent en toute connaissance de cause par intérêt ou curiosité - combien sont-elles ? - encore faut-il qu’elles soient prêtes à débourser 15€ quand l’événement se tient à l’intérieur du château, ce qui en fait tout de même l’exposition d’art contemporain la plus chère de France, ce que personne ne remarque jamais. Mais quel choix est-il laissé à la majorité des visiteurs, ces millions de touristes qui viennent chaque année pour la splendeur d’un site qui a fait sa renommée mondiale du vivant même de Louis XIV (et pas seulement depuis 2007 comme M. Aillagon semble le croire [4]) ? Car il s’agit à l’évidence d’un public non demandeur et qui ignore certainement en venant, dans sa grande majorité, jusqu’à l’existence de ces expositions contemporaines. Ce dont sont d’ailleurs tout à fait conscients les artistes invités qui n’ont pas la naïveté de croire que les foules de Versailles se déplacent pour leur seul nom qu’elles doivent, pour la plupart, ne même pas connaître. Pas plus d’ailleurs que ne le croit Laurent Le Bon, le commissaire de la plupart de ces événements. Tous l’ont déclaré dans la presse [5]. Il n’y a finalement que les journalistes pour gober qu’il puisse s’agir d’extraordinaires succès comme le proclament chaque année le service communication du Château et son président. Mais attention, cela ne signifie pas pour autant, qu’en venant visiter un site historique mondialement connu, le public dans sa diversité soit hostile à tout art de son temps. Pourquoi le serait-il ? Mais ce qu’il vient découvrir ici en priorité dans son immense majorité, c’est simple, c’est Versailles.

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Murakami Versailles, 2010 © BH

Bien entendu, parmi tous ces visiteurs, il en ait sans doute de ravis d’être surpris par ces incursions contemporaines - combien sont-ils ? -, quand d’autres y sont indifférents, quand d’autres encore en sont importunés, parfois même en colère par une visite qu’ils estiment gâchée. C’est une réalité. Il suffit, pour cela, de compulser les témoignages recueillis sur le vif auprès de visiteurs lambdas quand les médias veulent bien leur donner la parole, ils sont suffisamment éloquents. De la même façon qu’il suffit de lancer la conversation sur ce sujet en petit comité, entre amis ou en famille, pour constater à quel point les avis sont partagés. Tous ces publics sont estimables, et pas plus bêtes ou incultes les uns que les autres. Ceux qui le souhaitent devraient-ils s’excuser de vouloir voir un monument pour ce qu’il est ? Evidemment pas. Les deux réactions, séduite ou hostile, ne sont pas non plus antinomiques et peuvent co-exister chez une même personne selon son humeur du moment ou la raison d’une visite. Nous l’avons dit, nous en avons nous-même fait l’expérience en plusieurs endroits sans être pourtant réfractaire au principe de confrontation mais n’appréciant pas particulièrement non plus de nous trouver devant le fait accompli [6]. Proposer ou imposer une exposition d’art contemporain dans un lieu ancien, c’est toute la limite de l’exercice qui interroge quant à la notion même de respect du visiteur.

En l’occurence, la question qui se pose est de savoir au nom de quoi devrait-on priver les personnes venues à Versailles pour la visite souvent d’une vie de cette illusion de remonter le temps, ce vertige de l’Histoire qu’on y ressent si fortement ? Impression magique louée, et ce n’est pas la dernière de ses contradictions, par Jean-Jacques Aillagon lui-même, et à plusieurs reprises. Comme en 2010, quand, invité sur RTL dans l’émission Les Grosses Têtes, il expliquait son choix de logement de fonction :

« Je loge à Versailles, je me suis installé dans un petit pavillon qui est dans le parc (...) Il y a un appartement de fonction traditionnel, en avant du château, c’est grand mais on y voit la ville de Versailles et quand on voit la ville de Versailles, le charme est rompu, on sent que le temps a passé alors que lorsqu’on est dans le jardin, lorsque de la fenêtre de ma chambre, je regarde le château par-dessus les arbres des bosquets, j’ai l’impression que le temps n’a pas bougé, que cette réalité du château de Versailles est immuable et j’y prends, à vrai dire, un grand bonheur. »
Jean-Jacques Aillagon, Les Grosses têtes, RTL | 30.08.10

Un bonheur que ne connaîtront donc pas, à la vue des créations contemporaines dispersées dans le domaine, les visiteurs venus de partout pour en éprouver leur petite part, comme le déplorait très simplement cette touriste belge dans son compte-rendu de visite posté sur le site de notation Trip Advisor, sans pouvoir retenir le nom de Murakami tellement la présence de ces oeuvres l’avaient importuné : « Pour finir, l’exposition du Japonais (je n’ai rien contre son art) était là pour gâcher le décor censé nous replonger dans le passé » [7]. Un voyage dans le temps qui avait été permis à un jeune élève venu en visite pour la première fois à Versailles, en 1959, au point de ressentir « une véritable excitation en visitant la galerie des Glaces et la chambre du Roi, où l’Histoire (lui) semblait presque palpable ». Il avait pour nom Jean-Jacques Aillagon et c’est lui-même qui le raconte dans un hors-série de L’Express actuellement en kiosque [8]. Et mieux encore, de ce Versailles d’alors, il dit : « Ce rescapé d’une histoire tumultueuse s’imposait par sa majesté. Il se suffisait à lui-même ». Le sentiment qu’à Versailles toute incursion d’objets modernes rompt le charme, Alain Baraton, « le jardinier » de Versailles, l’avait également noté il y a quelques années dans l’un de ses livres : « Le paradoxe est qu’à Versailles, tout ce qui est contemporain, a l’air anachronique. Ce château a beau faire partie de mon quotidien, je suis toujours étonné d’y voir des machines à café, des télévisions... » [9]. Ce qui ne l’a pas empêché quatre ans plus tard de trouver extraordinaire l’expo Murakami [10]. L’art du courtisan a toujours cour à Versailles.

Mais le plus inattendu, dans la bouche de M. Aillagon, c’est cette expression de « pollution moderne » qu’il a lui-même employé dans une interview récente pour fustiger l’incursion de bâtiments modernes dans le paysage de Versailles, formule qu’on pensait réservée à ses plus véhéments opposants taxés pourtant de vils réactionnaires [11] ! Un souci qui, à juste titre, l’obsède, depuis justement sa première visite d’écolier : « L’horizon restait préservé des quelques constructions malencontreuses qu’on y a produites par la suite ». Et aujourd’hui encore, évoquant les sculptures monumentales de Bernar Venet autour du château, le voilà qui estime « incongrue » leur présence dans le contexte historique du site, pas pour le visiteur mais pour le tournage de deux films en costume prévus cet été [12].

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Tournage à Versailles en 2009 / Venet en 2011 ©BH

Aux visiteurs se plaignant d’être mis devant le fait accompli, M. Aillagon oppose sa liberté de programmation - renforcée par les statuts de l’établissement remodelés selon ses goûts - estimant que :

« L’action culturelle, ce n’est pas simplement de donner au public ce qu’il attend spontanément. C’est de prendre parfois le public par la main et le conduire au-delà de ce qu’il attend. »
Jean-Jacques Aillagon, AFP | 27.08.10

Exprimé de cette façon, cela reste d’une grande condescendance. Et cela révèle une conception élitiste de la culture qu’on pensait révolue depuis l’époque des dames patronnesses. Du public considéré comme des enfants. Chacun devrait pouvoir être libre de ses choix culturels sans avoir à recevoir de leçons de bon goût, discutables par nature, encore plus dans le domaine de l’art contemporain au sujet duquel on n’a aucun recul. Et n’y-a-t-il pas d’autres façons pour amener un public à découvrir ce qu’il ne connaît pas, devoir sans doute de tout responsable culturel, qu’une exposition obligatoire ? Dès lors, combien apparaissent plus intelligentes et plus respectueuses des publics les initiatives comme la Nuit Blanche dont d’ailleurs les premiers Versailles Off ludiques s’inspiraient ( voir encadré), Monumenta à Paris qui confronte une création contemporaine à la Nef du Grand Palais avec un réel succès, le festival estival L’art dans les chapelles qui depuis vingt ans, bien avant les grands musées nationaux, propose aux vacanciers du Morbihan une rencontre entre l’art contemporain et un ensemble de chapelles qui, peut-être, sans ce regard, n’existerait plus, ou encore le Centre Pompidou mobile à venir qui circulera en France comme un cirque. Autant d’initiatives inventives, basées sur l’invitation plutôt que sur l’injonction. Il est tellement facile de paraître faire oeuvre d’innovation à Versailles qui, quoi qui s’y passe, retient toujours l’attention des médias éblouis et d’ensuite crier au triomphe quand on a sous la main des millions de personnes qui, art contemporain ou pas, seraient de toutes façons venues. La belle supercherie.

DES ESPACES D’EXPOSITION PLUS OU MOINS ADAPTÉS
A Versailles, l’exercice de confrontation contemporain / ancien s’avère particulièrement délicat car contrairement aux musées qui infiltrent l’art contemporain dans leurs collections classiques sans pour autant en entraver le regard, Versailles est un monument qui se visite principalement pour ses Grands Appartements qui sont en eux-mêmes une oeuvre constituée [13]. Une situation malaisée dont a bien conscience M. Aillagon qui, sur un plateau télé, par un lapsus amusant, a qualifié ces espaces d’encombrés avant de rectifier [14]. Dans les Grands Appartements, l’art contemporain ne vient pas s’immiscer mais se superposer au regard dans un décorum déjà surchargé. Contrepoint ou brouillage visuel ? On peut s’interroger ici sur la pertinence du principe. Tout autant d’ailleurs que quand ces espaces servent pour des expositions plus ou moins en rapport avec l’esprit du lieu comme dernièrement Trônes en majesté aux structures-vitrines moches avec leurs cadres métalliques brisant l’harmonie des pièces, encombrant le Salon d’Hercule comme un hall de gare et obstruant la perspective lumineuse de la Galerie des Glaces.

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Galerie des Glaces : « Trônes en majesté » 2011 / « Jeff Koons » 2008 ©BH

Les Grands Appartements ne sont définitivement pas adaptés à la tenue d’expositions temporaires, qu’elles soient contemporaines ou « classiques », les conditions de visite y étant déjà plus qu’inconfortables. L’exiguïté de certaines pièces et l’étroitesse des portes entraînent des problèmes de circulation récurrents pour la foule des visiteurs qui s’y pressent en nombre jusqu’à créer des embouteillages à des endroits précis que les habitués des lieux connaissent bien. Des circonstances pénibles auxquels ne sont généralement pas confrontés les journalistes pour qui on organise, là comme ailleurs, des visites presse à des moments plus calmes ou pour qui on privatise les lieux. Rajouter une exposition le long de ce parcours où « il passe autant de monde qu’à Montparnasse » comme l’avait dit Laurent Le Bon, commissaire de la plupart de ces expositions contemporaines, reste une aberration [15]. L’ancienne présidente du Château, Christine Albanel, devenue ministre de la Culture, l’avait elle-même souligné, quand, interrogée à propos de l’exposition Koons, elle avait déclaré que, compte-tenu du nombre déjà élevé de visiteurs à Versailles, elle ne l’aurait « pas faîte dans les Grands Appartements », position ceci dit on ne peut plus hypocrite puisque, sous sa présidence, y avait été présentée une exposition sur son idée [16].

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Murakami Versailles, Galerie des Glaces | 2010 ©BH

On se demande même comment d’un point de vue sécurité, des expositions temporaires peuvent être autorisées à se tenir à cet endroit du Château. Rappelons la scène à laquelle nous avions assisté lors de l’expo Murakami, de deux visiteurs ne se connaissant pas, rentrant violemment, à cinq minutes d’intervalle, dans l’épaisse barrière de verre, mille fois plus dangereuse que de simples cordons, entourant une sculpture de l’artiste japonais installée au beau milieu de la Galerie des Glaces. Pareillement, on n’ose imaginer ce qui se serait passé dans le Salon d’Hercule s’il avait fallu évacuer la foule rapidement avec l’encombrement des vitrines de l’exposition Trônes en majesté et tous ces protège-câbles électriques coupant, en plusieurs endroits, le passage. Une situation insupportable pour tous, visiteurs, agents de surveillance comme guides, lesquels, n’en pouvant plus, finiront par crier leur ras-le-bol dans Le Parisien alors que nous avions déjà écrit ces lignes, nous donnant totalement raison. Interrogé à cette occasion, Denis Berthomier, l’administrateur du Château, fut bien obligé de reconnaître, une fois n’est pas coutume pour un membre de la direction, qu’il y avait bien un léger souci, que cette exposition « consomm(ait) de l’espace » et d’annoncer qu’« il n’y aura(it) plus d’exposition temporaire dans les Grands Appartements jusqu’à nouvel ordre ». A la bonne heure, bien que le jusqu’à nouvel ordre soit encore de trop !

Pourtant, c’était une évidence, que nous pressentions dès le début de l’exposition au mois de mars [17]. Une incompétence qui frise l’inconscience à lire les témoignages visiblement de première main postés après l’article du Parisien. Il y est rapporté que les pompiers de service auraient eu le plus grand mal, durant cette période, à se frayer un chemin parmi la foule encore plus serrée que d’habitude pour évacuer les visiteurs pris de malaises tandis que les personnes en fauteuil roulant se retrouvant bloquées par les protège-câbles en bois infranchissables, auraient été contraintes de faire appel à des « gros bras » pour pouvoir avancer ! Pour avoir constaté par nous-même que l’une de ces barres de bois était située au pire endroit du circuit, à l’entrée du Salon de l’Abondance, véritable goulot d’étranglement, on est légitimement en droit de se poser des questions sur la manière de gérer ce site. Ce que vient également confirmer la récente enquête d’UFC Que Choisir sur les musées côté public qui, pour ses conditions de visite déplorables, décerne la palme du musée le plus mal géré à Versailles !

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« Trônes en mafesté » à Versailles | 2011 ©BH

En dehors de ces questions de sécurité, la mise en valeur des oeuvres contemporaines dans les Grands Appartements n’y est pas non plus optimale. Leur surprotection exigée par les assurances du fait de leur valeur marchande nuit à leur intégration pourtant revendiquée au lieu. Exposées souvent sous verre (avec reflets) ou derrière de disgracieuses barrières, elles apparaissaient alors comme coupées de leur environnement. Preuve de leur laideur esthétique, ces dispositifs de mise à distance disparaissent des photos sur catalogues et documents officiels, quand ne sont pas plutôt publiés des photo-montages qui ne devraient pas sortir, à notre avis, des ateliers de création des artistes, au moins pas avant l’événement, car le plus souvent ils donnent une image fausse car idéalisée des oeuvres in situ. Mais peut-être est-ce justement pour cela qu’ils sont largement diffusés dans la presse comme teasing, parfois même sans la mention de leur caractère virtuel, y compris dans des numéros hors-série consacrés à ces expositions. L’exemple le plus récent de cette distorsion est l’Arc de Bernar Venet encerclant la statue de Louis XIV sur la place d’Armes, beaucoup plus saisissant dans le visuel virtuel utilisé comme image officielle de l’exposition et qui, dans le réel, laisse voir fâcheusement à l’arrière-plan une bâche géante de chantier sur une partie du château. Juste dommage. La presse rend finalement moins compte de la matérialité de ces expositions - l’expérience réelle des visiteurs - que de l’image qu’elle renvoient et des polémiques qu’elles suscitent. Tous les journalistes qui en parlent les ont-ils seulement vues ? On en doute quand certains articles commentant telle exposition sont écrits manifestement avant même son installation, sans doute pour des questions de délai de parution, jusque dans des revues spécialisées en art...

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Veilhan Versailles | 2009 ©BH

De fait, tant pour des questions de confort de visite, de facilité d’insertion que de valorisation des oeuvres contemporaines elles-mêmes, l’exposition en extérieur à Versailles apparaît plus adaptée. A notre avis, les oeuvres modernes s’intègrent mieux au décor naturel des jardins, peut-être pour leur résonance avec l’art géométrique d’André Le Nôtre et l’aspect quasi sériel de cette façade-ci du château. Les sculptures minimalistes de Bernar Venet les mieux disposées trouvent ainsi un écho positif dans ce paysage façonné comme du land art avant l’heure, comme l’avait fait remarquer si justement Xavier Veilhan. Si ses propositions à lui n’avaient pas déclenché de « scandale », c’est peut-être parce qu’elles s’intégraient sans heurt au paysage par la volonté qu’il avait eu de se « fondre dans l’environnement » [18]. Un crime. On se souvient aussi, durant l’été 2010, de l’exposition végétale Exubérance baroque dans le Jardin français du Petit Trianon qui s’y était tenue dans l’indifférence générale. Elle s’intégrait harmonieusement au site sans rien renier de sa contemporanéité.

A l’intérieur du château, si l’idée d’investir exceptionnellement les Grands Appartements - pourquoi ne pas se restreindre à une pièce ? - l’idée d’investir, au rez-de-chaussée, les Appartements du Dauphin et de la Dauphine plus calmes et un peu vides, comme cela sera le cas fin 2011 en les réaménageant avec du mobilier contemporain le temps d’une exposition, est séduisante [19]. Comme l’est sur le papier l’imminente exposition Le XVIIIe au goût du jour qui présentera des robes haute couture inspirées de cette époque, bien qu’elle soit curieusement proposée au Grand Trianon, l’espace de Versailles le moins XVIIIe puisque totalement meublé Empire ! La volonté marketing de chercher à faire venir du monde dans cette zone du domaine moins fréquentée est flagrante. A voir maintenant comment une exposition temporaire peut s’intégrer, sans les gêner, dans des pièces aux ensembles décoratifs complets et si les cartels oublieront de mentionner, tout aussi hypocritement que le diaporama en ligne, l’auteur des robes de la Maison Dior - John Galliano poursuivi en justice pour injures raciales et antisémites - à la différence des autres créateurs. Bien d’autres espaces dans ce domaine si vaste sont sans doute encore à explorer pour la tenue d’expositions temporaires, y compris d’art contemporain, dans le respect des lieux et du public.

DES VISITEURS LIVRÉS À EUX-MÊMES
Autre élément problèmatique pour ces événements d’art contemporain : le public majoritairement perplexe, pour beaucoup étranger, est abandonné à ses interrogations, en absence de tout dispositif de médiation autre que des audioguides - quand il y en a - aux commentaires indigents [20]. De la même façon qu’on le prive de toute posibilité d’expression à chaud en l’absence de livres d’or comme on en trouve dans tous les musées, supprimés à Versailles à l’arrivée de M. Aillagon et réclamés en vain lors de l’exposition Koons par le syndicat Sud [21]. Ce qui s’apparente bien à une petite forme de censure - les guides aussi avaient été réduits au silence comme l’avait rapporté alors le Canard enchaîné - et, ce qui est encore plus bête, cela prive l’établissement d’éléments d’appréciations des visiteurs utiles pour sa gestion, à moins que cela ne révèle un désintérêt de ses dirigeants pour le public qu’ils sont censés servir.

Ne reste pour les visiteurs curieux qu’à se rabattre sur les quelques textes à disposition sur Internet ou sur le dépliant quand il y en a. Mais force est de constater que, jusque là, le discours officiel autour de ces expositions n’a pas brillé particulièrement par ses lumières. Rédaction de bon élève pour le président d’établissement - « De tous temps Versailles… » - et que penser, en terme d’information au public, de la méthode qui consista pour le commissaire, du premier Versailles Off en 2004 à Murakami l’année dernière, à recycler le même texte, en en changeant simplement le nom des artistes et quelques mots, comme dans un formulaire ! Et cette année, pour Venet à Versailles, où les textes sont réduits à peau de chagrin comme si l’on avait rien à en dire, il n’y a certainement que nous à avoir été choqué par les fausses informations délivrées par le site web du Château concernant les titres des oeuvres et leurs positionnements dans les jardins (jusqu’à ce qu’on en fasse la remarque et que la chose soit corrigée), ces mêmes erreurs se retrouvant dans le dossier de presse déjà diffusé ! Amateurisme ? Je-m’en-foutisme ? Montage baclé ? Pour un établissement de cette dimension, cela reste sidérant.

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Murakami Versailles | 2010 ©BH

Dans les médias, le ton employé par les responsables du Château pour défendre le principe de ces expositions reste péremptoire, laissant peu de place à un avis autre, pour ne pas dire aucune. On quitte rarement le domaine de l’injonction. Poser, par exemple, comme un axiome que « la présence d’objets culturels insolites, atypiques voire décalés dans les grands monuments historiques rendent les visiteurs plus attentifs » comme le martèle sans cesse M. Aillagon, est tout à fait contestable et surtout basé sur rien [22]. Cela peut être vrai pour certaines personnes comme cela peut provoquer l’effet exactement inverse chez d’autres, comme en témoignait à la télé l’année dernière ce professeur venu en visite à Versailles avec sa classe d’adolescents tandis que se tenait l’exposition Murakami : « Les élèves de cet âge-là qui sont un petit peu fascinés par la culture manga ont tendance à être captés par ceci plus que par le but initial de la visite, c’est sûr » disait-il d’un air navré, et ses élèves de rire en acquiesçant devant la caméra [23]. C’est un exemple parmi d’autres.

Mais face aux critiques, quelle qu’en soit la nature, M. Aillagon reste de marbre quand il ne s’enferme pas dans le déni complet. Aux premiers jours de l’expo Koons, ne criait-il pas déjà au triomphe quand les télés montraient les réactions forcément contrastées des premiers visiteurs, certaines même franchement hostiles comme on le notait alors. Tout en se permettant de parler au nom du public tout entier : « (Ces oeuvres) ne constituent en aucune façon une gêne pour les visiteurs qui viennent admirer le décor royal de Versailles » [24]. Quand il finira par concéder que la manifestation avait pu entraîner quelque hostilité, il aura alors une explication toute simple : « Beaucoup de gens n’ont pas compris, comme toujours quand il s’agit de grandes initiatives » [25].

Se prétendant ouvert au débat, aucune opinion contraire ne trouve pourtant grâce à ses yeux, toutes se retrouvant au final jetées dans le même panier. Pour Bernar Venet, cela n’a guère changé. Interrogé sur les réactions négatives d’une partie du public, au lieu de chercher à convaincre, M. Aillagon continue d’afficher le plus parfait mépris, jugeant comme un seul homme l’ensemble de ses détracteurs :

« Les râleurs ne voient jamais ce qui est positif et voient toujours ce qui les dérange. De surcroît, qu’on montre des artistes néo-pops ou des artistes minimalistes, ils n’aiment pas, parce qu’ils n’aiment pas tout simplement le monde dans lequel ils vivent. »
Jean-Jacques Aillagon, JT 19/20 national, FRANCE 3 | 31.05.11

Un peu comme son ami Karl Lagerfeld ? En effet, on a trouvé cette phrase de Karl dans une vieille interview, d’une saveur toute particulière aujourd’hui : « Je n’aime pas le mobilier dix-huitième d’exception dans un appartement moderne. Ce n’est pas sa place, comme il me semble absurde d’accrocher un tableau moderne au dessus d’un meuble ancien » [26]. Les goûts et les couleurs ? Aillagon, lui, ne connaît pas. Ainsi le visiteur lambda qui a peut-être apprécié Murakami mais moins Venet - à l’instar, par exemple, de Judith Benhamou-Huet - se retrouve jeté au bûcher de la ringardise, au même titre que ces opposants militants qui vont jusqu’à intenter des actions judiciaires contre l’établissement. Dans leur cas, plutôt que de tenter de calmer le jeu, M. Aillagon ne peut s’empêcher d’attiser un peu plus le feu. Telle a été sa réaction à l’annonce du rejet de la requête contre l’Arc de Venet quand on lui a tendu un micro :

« A l’avenir, j’en ferais encore de plus grandes, j’en ferais plus souvent encore, bien sûr ! Il ne faut jamais céder devant la bêtise et devant le refus de notre temps. »
Jean-Jacques Aillagon, Journal des Yvelines, YVELINES PREMIÈRE | 16.06.11

Quant à l’administrateur du Château, Denis Berthomier, il a considéré que le tribunal avait « valid(é) la politique culturelle de l’Etablissement public », rien de moins, alors que l’instance n’avait évidemment fait que se prononcer sur la légalité d’un chantier de construction sur la place d’Armes [27]. Mauvaise foi quand tu nous tiens.

La stratégie de communication du Château, incarnée de manière omniprésente par M. Aillagon, est claire. Il ne retient, et la presse lui emboîte prestement le pas, uniquement les critiques radicales émanant « de cercles d’extrême-droite intégristes et de cercles très conservateurs » ce qui, au regard de tous les témoignages recueillis, se révèle faux [28]. En revanche, ce qui est vrai, c’est que les seuls groupes « organisés » contre ces expositions sont issus de ces milieux-là mais ils ne représentent évidemment pas tous les visiteurs réfractaires, loin de là. Pourtant, M. Aillagon, sur son blog ou ailleurs, ne mentionne jamais qu’eux. Lesquels extrémistes sont accusés de vouloir faire de Versailles « un reliquaire de la nostalgie de la France de l’Ancien Régime », ce qui est plutôt drôlatique compte tenu de la politique de restauration à l’extrême menée à Versailles et que lui-même défend. Peut-on trouver monument plus plongé dans la naphtaline que Versailles, selon ce mot de grand-mère qu’il affectionne, avec toutes ces restaurations, reconstitutions, restitutions, réinventions ? Il faudrait plutôt parler d’embaumement. Et à la vue de tous les produits dérivés vendus dans les boutiques du château exploitant sans complexe ce filon-là, on se dit que l’Ancien Régime a du bon pour ces responsables se revendiquant grands républicains.

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Rassemblement contre Jeff Koons Versailles | 2008 ©BH

Et quand bien même serait-il exact que les récriminations ne viennent que de ce camp honni avec lequel nous ne partageons aucune valeur, que penser d’un président d’un établissement public qui repousse des critiques sur des motifs politiques ? A-t-on déjà vu ça ailleurs ? Le Château de Versailles, comme tous les monuments nationaux, appartient bien à tous les français quelles que soient leurs opinions. Et c’est peut-être encore plus vrai à Versailles, de par son histoire si particulière, où tous les courants politiques s’y retrouvent mêlés - des monarchistes aux sans-culottes, des républicains aux Communards -, ce que d’ailleurs avait compris en son temps Louis-Philippe qui avait voulu en faire, par son musée de l’Histoire de France, le symbole de la réconciliation nationale. La limite de l’acceptable est le vandalisme. Tout le reste - manifestations, pétitions, actions judiciaires même stupides - fait partie de la vie démocratique. D’autant que des ultra-conservateurs, M. Aillagon en côtoie, sinon aurait-il confié à l’un d’eux qu’il connaît bien le commissariat de l’exposition Trônes en majesté ? On se serait presque attendu à entendre M. Aillagon sur Radio Courtoisie quand cet « historien de l’art » y fut invité en mars dernier pour parler de sa royale expo.

Versailles ne serait pas le reliquaire de l’Ancien Régime ? Pourtant, par bien des aspects, le domaine renoue à grande vitesse avec les privilèges d’antan. Ainsi l’aristocratie de l’argent a remplacé celle du sang. Les PDG d’entreprises mécènes et autres peoples courtisans soupent le soir dans un château privatisé à la lueur des bougies quand le bas peuple n’a droit, en journée, qu’à attendre dans des files d’attente interminables et à suffoquer dans les Grands Appartements. Bientôt bal serra donné à l’Orangerie, avec un carré VIP à 250 euros et des places pour le Tiers état à 50 euros. Drôle de conception d’un établissement public où l’on ne se mélange pas.

UN DISCOURS OFFICIEL ULTRA SIMPLISTE
Devenu soudain en fin de carrière l’apologiste du mariage art contemporain / art ancien tous azimuts, M. Aillagon en vient à fustiger les « institutions spécialisées » où serait relégué l’art d’aujourd’hui, les qualifiant de « ghettos pour l’art contemporain » ... alors qu’il a lui-même dirigé, durant de longues années, le premier « ghetto » du genre en France et l’un des plus connus au monde : le Centre Pompidou avec son musée national d’Art moderne [29]. Qu’y a-t-il fait en ce sens ? Et dans toute sa carrière, de tous les postes qu’il a occupé, il ne nous semble que son nom soit attaché à de telles audaces. Il s’agit alors d’une révélation tardive.

A écouter les arguments spécieux qu’il développe désormais à loisir dans les médias, pas sûr au final que M. Aillagon soit le meilleur propagandiste de ce dialogue qu’il appelle si chèrement de ses voeux. On l’aura connu plus inspiré. Dans une démarche plus marketing qu’autre chose, au milieu de quelques généralités, il égrène des éléments de langage sommaires parfois jusqu’à l’absurdité. Quand, par exemple, il justifie l’invitation de Takashi Murakami par le fait que Versailles a été « joyeux » et « construit pour le bonheur » comme il n’a pas cessé de le dire l’année dernière, on ne voit juste pas le rapport. En quoi cela justifie-t-il la présence d’oeuvres contemporaines ? Quand il se réfère doctement à Louis-Philippe et à ses commandes à des artistes « contemporains » pour le Versailles du XIXe siècle, l’exemple est on ne peut plus malheureux vu le nombre de croûtes critiquées dès leur accrochage qui finiront d’ailleurs pour beaucoup en réserve. Et, curieuse référence quand, depuis, on s’acharne à faire machine arrière pour retrouver le Versailles d’antan, celui de l’Ancien Régime, mouvement auquel a participé M. Aillagon en éjectant la statue de Louis XIV de l’endroit où le roi-citoyen l’avait placé [30].

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Murakami Versailles, Salon d’Hercule | 2010 ©BH

Que penser encore des correspondances plus que primaires qu’il tente d’établir entre d’infimes détails du décor du Château et les oeuvres contemporaines exposées, ce qui serait censé crédibiliser leur présence : Michael Jackson par Koons pose la main sur un singe comme, derrière lui, Louis XIV sur une tête de lion... Quelque part dans le plafond de la Galerie des Glaces où est exposée une sculpture de Murakami est représentée une armure japonaise [31]. Ce n’est rien, il est vrai, à côté de la correspondance subliminale établie par Laurent Le Bon à propos de l’oeuvre de Murakami exposée dans le Salon d’Hercule : « Des milliers de couleurs sont utilisées, et pour cette œuvre, quatre ans de travail furent nécessaires. Comment ne pas y voir un rapport avec l’extraordinaire peinture du plafond, peinte par François Le Moine, qui surplombe cette sculpture ? » [32]. Oui, c’est vrai, dans les deux cas, il y a des couleurs et les deux artistes y ont passé du temps - l’un d’eux, d’ailleurs, à s’en suicider -, saisissantes relations ! Pour Bernar Venet, on attend le mot inspiré qui liera la rouille de ses sculptures à... celle des tuyaux des fontaines ? Sait-on jamais vu le niveau.

Le comble de l’absurdité est atteint quand M. Aillagon fait le parallèle avec la musique, par une formule qui doit lui plaire particulièrement puisqu’il la répéte en plusieurs occasions avec quelques variantes : « On peut dans une même journée écouter Monteverdi, Boulez, Vanessa Paradis ou M ! » [33]. Contre-exemple absolu puisque, appliqué à ce qui nous occupe, cela signifie qu’effectivement on peut dans une même journée visiter un musée d’art contemporain et un musée d’art ancien, ce qui signifie s’intéresser aux deux mais pas nécessairement vouloir les fusionner, ce qui est donc hors sujet, ou alors qu’il nous recommande d’écouter en même temps Monteverdi, Boulez, Vanessa Paradis et M... et là, bonne chance pour les oreilles ! Beaucoup d’arguments dans son discours, derrière un vernis d’érudition et un vocabulaire choisi, sont du même acabit sans que personne ne réagisse jamais. Encore que son lieutenant Laurent Brunner, directeur de la filiale Château de Versailles Spectacles productrice de ces expositions, le dépasse largement quand il lui faut à son tour justifier le mélange des genres. De ses déclarations toujours fracassantes, on retiendra ici sa phrase culte : « La tradition de Versailles n’est pas nous sommes un musée avec des vieux trucs » [34].

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J.-J. Aillagon et Jeff Koons à Versailles | 2008 ©BH

Mais le plus pernicieux, peut-être, dans le plaidoyer ultra simpliste de M. Aillagon reste l’emploi d’un vocabulaire réservé habituellement à la dénonciation du racisme : ségrégation, ghetto, métissage [35]... A l’entendre, il faudrait briser toutes les barrières chronologiques, esthétiques, stylistiques... Dans sa lancée, on s’attendrait presque à ce qu’il réclame la dissolution des musées, ces « ghettos » par définition catégoriels. Après tout, il a bien étonné son monde quand, il n’y a pas si longtemps, il a plaidé pour la disparition du ministère qu’il avait lui-même dirigé [36]. Un punk. Si on va au bout de sa logique d’apôtre anti-ségrégationniste qui a été jusqu’à déclarer que les oeuvres d’art devaient s’accepter les unes les autres (sic), cela revient, en les culpabilisant au passage, à assimiler toutes les personnes qui voudraient simplement visiter un monument pour lui-même, qui s’intéressent à un style plutôt qu’à un autre ce qui constitue une bien inoffensive passion... à des racistes. Et là, au niveau argumentaire, on touche vraiment le fond.

Rien d’innocent dans ce prêche orienté puisqu’il s’inscrit dans une stratégie visant à diaboliser la critique en la réduisant à celle émanant exclusivement des milieux réactionnaires. En se positionnant grosso modo en victime de l’extrême-droite, on en devient incritiquable et toute personne qui élèverait la voix se retrouve assigné automatiquement dans ce camp-là. C’est la théorie du point Godwin. Les médias suivent benoîtement cette ligne, se basant sur les dépêches de la Sainte AFP qui instruit systématiquement en ce sens [37]. Et les journalistes tremblent quand ils osent porter un regard négatif sur telle exposition, comme ici dans L’Oeil : « Cette année, avant même d’avoir vu le résultat, les opposants étaient très critiques contre Takashi Murakami. Ainsi, constater le ratage prévisible de l’opus nippon peut toujours laisser craindre une récupération... » [38]. Tout cela fleure bon le manichéisme bon teint : d’un côté les gentilles expositions d’art contemporain de M. Aillagon et de l’autre les méchants militants d’extrême-droite. Les Inrocks, dans leur traitement de Murakami Versailles, en sont la parfaite illustration. En reprenant en boucle les mêmes informations, les médias survalorisent ces micro-groupes qui ne comptent en réalité que quelques militants actifs, sans jamais mettre en doute le nombre prétendument élevé des signataires de leurs pétitions jamais publiées [39]. Pourtant, sans compter les multiples plaintes de visiteurs lambdas qui émergent parfois dans la presse, qui fleurissent sur Internet et dont rien ne dit qu’ils appartiennent à cette mouvance politique, ce serait tellement simple, il existe d’autres critiques, plus discrètes et subtiles, que la grosse presse ne remarque même pas parce qu’elles ne s’insèrent pas dans le schéma simpliste que le Château a réussi à imposer pour empêcher tout débat. En l’occurence, elles émanent de deux personnalités qu’on ne peut en aucun cas soupçonner d’être opposées à l’art contemporain, encore moins au principe de confrontation avec l’art ancien puisqu’elles en sont elles-mêmes les plus ardents partisans. Et non des moindres.

DES CRITIQUES ÉCLAIRÉES IGNORÉES DES MÉDIAS
Les critiques les plus fortes sont apparues l’année dernière lors de l’exposition Murakami Versailles. Alors que les articles généralistes se focalisaient sur l’agitation des groupes réactionnaires, on avait relevé avec surprise les avis majoritairement négatifs des critiques d’art, avis tout autant occultés par M. Aillagon comme nous lui avions fait remarquer sur son blog sans qu’il ne nous réponde rien sur ce point. Pourtant, parmi ces critiques insoupçonnables de « mauvaises pensées », on trouvait celle, répétée, de Marie-Laure Bernadac qui n’est autre que la conservatrice pour l’art contemporain au Louvre où elle mène, depuis 2004, un travail subtil et varié. Début juin 2010, interviewée par Paris-art.com, tout en défendant l’intérêt de marier l’ancien au contemporain, elle s’en prenait à ce qui devient selon elle un phénomène de mode pour le meilleur et pour le pire :

« Certaines expositions ne sont pas indispensables. Cela peut ressembler à n’importe quoi, si on se contente de poser des objets ici et là. Cela peut même se révéler catastrophique pour l’art contemporain. On peut lui reprocher de n’être pas à la hauteur de l’art ancien. Cela peut être dangereux pour les artistes également ». Puis, allant encore plus loin : « Peut-être faudrait-il arrêter le développement systématique du procédé. La critique que l’on peut soulever est la suivante : est-il bon pour un artiste contemporain d’être légitimé par un contexte patrimonial ? Et ne va-t-on pas lasser le public qui vient voir l’art ancien ? »
Marie-Laure Bernadac, PARIS-ART.COM | 01.06.10

Si elle ne citait aucun exemple, quelques jours plus tard, dans une interview accordée cette fois au Journal des Arts, elle n’hésitait pas à mettre en cause directement Versailles : « Autant Koons était très juste, autant je ne vois pas bien ce que le monde figuratif japonais de Murakami a en commun avec Versailles. Si l’on force trop les mariages, cela nuit aux deux parties. Il faut faire attention au choix des artistes ». Cette critique relayée ensuite sur le site anglosaxon Art Newspaper ne le fut par aucun média français [40].

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Au Louvre | 2011 : M.-L. Bernadac par Mimmo Jodice / Michal Rovner ©BH

Puis, quelques mois plus tard, la même Marie-Laure Bernadac récidivait, exprimant des réservées teintées d’agacement lors d’un colloque à l’Institut national du patrimoine (INP), co-organisé par le Château de Versailles, portant précisément sur l’exposition d’art contemporain dans les monuments historiques qu’introduisit doctement M. Aillagon en étant totalement hors-sujet [41]. Elle s’en prit encore à ce qui devient selon elle une mode : « Il ne faut surtout pas que ce soit un dialogue de sourds. Si on généralise trop cette pratique, on va voir systématiquement dans n’importe quel musée d’art ancien l’intervention d’art contemporain et je pense qu’on va lasser le public et que ce n’est pas forcément bon toujours pour l’art contemporain ». En cela, elle contredisait la vision quasi soviétique que l’ex-ministre défend, lui, mordicus - « J’estime que dans tout monument historique, tout musée d’art ancien, on a intérêt de proposer des œuvres contemporaines dans tous les domaines. » [42] - ce qui n’avait pas empêché le même Aillagon de soutenir une position absolument contraire seulement trois ans auparavant : « L’art contemporain au cœur du patrimoine n’est-il pas en train de devenir une tarte à la crème ? Il faut que ça reste, tout comme Versailles, un acte exceptionnel » déclarait-il alors au Figaro [43]. Lors de ce colloque, Mme Bernadac dénonça la recherche du « choc pour le choc » vide de sens, puis faisant directement allusion à Murakami Versailles, elle déclara : « On est à un moment où il n’y a plus aucun critère de choix sur les dialogues, tout est dans tout. Je trouve un peu dangereux de tout mélanger » [44]. Peut-on trouver critique plus cinglante ? Bien sûr, ça ne préjuge en rien de ce que peut penser cette conservatrice des autres incursions contemporaines à Versailles mais tout de même ! Comment cette critique-là a-t-elle pu passer autant inaperçue ?

Aussi surprenantes et plus sévères encore, ce sont les critiques exprimées lors du même colloque - décidément ! - par Jean-Hubert Martin. Aujourd’hui inspecteur général des patrimoines, cet historien de l’art, ancien directeur du Musée national d’art moderne, a été un des acteurs phares du projet d’introduction de l’art contemporain au château d’Oiron dans les années 1990. Un travail loué pour son intelligence et érigé depuis en modèle. A ce titre, il fait figure de véritable pionnier dans le genre. Une expérience d’autant plus intéressante qu’elle se situe, d’un point de vue patrimonial, à l’opposé de la fièvre de reconstitutions du Château de Versailles, ce qui y rend très difficile toute introduction pérenne d’art contemporain. A Oiron, le choix a été de laisser à nu les pièces ayant perdu leur décor originel tout en conservant ce qui pouvait l’être, l’anecdote voulant que l’architecte en chef en ait été Frédéric Didier, le même qui mène aujourd’hui à Versailles, avec l’ardeur que l’on sait, les programmes de restaurations et restitutions. Un vide volontaire, à Oiron, comblé par la constitution d’une collection principalement à partir de commandes mais aussi d’oeuvres en dépôt d’artistes vivants parmi lesquels « des vedettes et des méconnus » dans l’esprit d’un cabinet des curiosités de la Renaissance. On y retrouve des oeuvres de Sol LeWitt, Georg Ettl, Daniel Spoerri, Claude Rutault ou Christian Boltanski [45].

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La Joconde par Pei-Ming, Louvre | 2009 ©BH

En réécoutant l’intervention de Jean-Hubert Martin lors de ce colloque, on est d’abord frappé par son souci du public, question évacuée par la plupart des autres participants. Evoquant l’une de ses premières tentatives consistant à placer dans le château l’oeuvre d’une artiste américaine, une « énorme pièce faite de poutres, de morceaux, de béton, de ciment, carrément de sacs poubelles... », il raconte :

« On a installé ça là-dedans et j’ai vu défiler les gens de la région, du village qui sont venus au vernissage, et les gens étaient extrêmement choqués, vraiment très choqués. Et j’ai compris une chose qui est une évidence mais qui ne l’est pas toujours dans notre petit milieu de l’art contemporain où on croit que les effets d’opposition brutale, de violence esthétique, sont stimulants et sont quelque chose de positif, qu’au fond la majorité du public n’y comprenait rien. Donc je suis parti sur l’idée de respecter le décor du château, d’essayer dans tous les cas de faire des mariages entre les oeuvres et ce décor, faire en sorte qu’aussi bien sur le plan spatial que sur le plan intellectuel et visuel, il y ait une adéquation des oeuvres au château, et pas seulement sur le plan conceptuel. D’ailleurs c’est la raison pour laquelle je crois encore aujourd’hui, dans le Cabinet des muses ou dans la grande galerie de la guerre de Troie où il y a les fresques du XVIe siècle, il n’y a aucune oeuvre contemporaine, ce n’est pas nécessaire et ce serait sans doute assez mal venu. Il y a suffisamment d’espaces dans le reste du château pour mettre des oeuvres de ce type là. »
Jean-Hubert Martin, INP | 07.10.10

On comprend mieux pourquoi, plus tard dans la journée, quand on lui demanda ce qu’il pensait précisément de l’exposition Murakami Versailles, il répondit du tac au tac : « Pas du bien ». Puis, après un silence gêné, tout en avouant ne pas l’avoir vue, d’expliquer sa position :

« Le jugement de goût a joué un rôle important dans la manière que j’ai travaillé à Oiron, je pense qu’on peut faire des choses du même type à Versailles. Là, il s’agit de décalage absolu (...) Je trouve que ce n’est pas l’endroit adéquat, et je pense que Koons, Murakami - comme par hasard on ne parle pas de Veilhan d’ailleurs -... mais aller mettre toutes ces vedettes dont on sait très bien que sur le marché, elles font l’objet d’une spéculation absolument énorme, ce n’est pas ma tasse de thé, je ne crois pas vraiment que ce soit une réussite, je ne pense pas que ce soit le bon endroit pour montrer, Versailles » et il alla jusqu’à parler de « vedettes et qui ont besoin du décor de Versailles pour mettre encore un tout petit plus, de valeur ajoutée à leur pedigree... »
Jean-Hubert Martin, INP | 07.10.10

VERSAILLES EN SHOW ROOM POUR ARTISTES
Nous voilà à nouveau avec la critique qui consiste à ne voir dans ces manifestations que des opérations de valorisation, y compris financière, de collections privées, critique dont on essaie de nous faire croire qu’elle n’émanerait que du milieu réactionnaire anti-Art contemporain. On voit bien ici que c’est faux. Et le point de vue de Jean-Hubert Martin résonne avec celui de la sociologue et directrice de recherche au CNRS Nathalie Heinich qui, interrogée par des étudiants de Sciences Po travaillant sur les expositions d’art contemporain à Versailles, avait répondu ceci quand on lui demanda où elle situait un conflit possible :

« Problème du conflit d’intérêt entre les acteurs du cercle privé et du cercle public. Les expositions ont servi les intérêts matériels des collectionneurs. Il y a un problème de neutralité du service public. Le problème devient plus général dès lors que le musée publie et expose les artistes contemporains, il cohabite avec les galeries des artistes et donc le problème est déontologique. Il y a un risque de publicité pour les galeries et les organisateurs, ce sont les faire-valoir des musées. Le conflit porte surtout sur les commissaires d’exposition qui sont payés sur les fonds public. »
Nathalie Heinich, Versailles controversé, SciencesPo | 2010

On pense aussi à Catherine Millet qui parlait, dans Artpress, par une formule ironique et lapidaire, des « expositions de François Pinault au château de Versailles » [46] et bien entendu au point de vue du critique d’art anglais Ben Lewis qui, sans jamais quitté son chapeau arty, a décrypté à travers plusieurs enquêtes, dont son fameux documentaire L’art s’explose, la folie financière entourant certains artistes contemporains comme Koons et Murakami.

Cette critique, passée inaperçue des gros médias tout autant que celles de Mme Bernadac et de M. Martin, la sociologue Nathalie Heinich la reformula plus longuement dans une tribune circonstanciée, publiée en janvier dernier dans Libération et restée étrangement sans réaction, à notre connaissance, des intéressés parmi lesquels, en bonne place, M. Aillagon. Pourtant la sociologue n’hésitait pas à employer des termes forts comme « subvention déguisée », « détournement de fonds publics » ou « abus de bien social ». Au sujet des expositions d’art contemporain à Versailles, elle parlait de conflit d’intérêt « gros comme une pièce de Koons ou de Murakami ». Personne n’avait jamais été aussi loin. Si le débat est toujours en suspens, il demeure incontestable que les oeuvres contemporaines exposées à Versailles y prennent de la valeur - ce qui n’est pas un crime mais un fait - et qu’elles profitent à leurs auteurs, même déjà connus. Bernar Venet, de culture franco-américaine, en parle avec franchise :

« Pour un type d’exposition, Versailles c’est le summum. Pour un artiste, avoir une exposition personnelle dans un lieu qui va être tellement visité, même si on ne vient pas pour nous, (...) c’est une chose absolument extraordinaire. C’est un événement tellement médiatisé, plus médiatisé que n’importe quel autre événement au monde, plus médiatisé que si on a une rétrospective au musée d’Art moderne de New-York ! »
Bernar Venet, ART NET | 20.06.11

Au point que cette aura fabuleuse profite même à des multiples qui n’y ont jamais été exposés, le Château de Louis XIV devenant leur meilleur argument de vente, parfois dans des conditions limite, comme dernièrement chez Christie’s New-York. Il y a aussi sans doute de la part de grands collectionneurs souvent hommes d’affaires milliardaires, comme François Pinault, au-delà de tout aspect spéculatif, une très forte attractivité symbolique pour le lieu, figure absolue du pouvoir, comme s’ils venaient y chercher une sacralisation de leur place au sommet de la hiérarchie sociale d’aujourd’hui. Une bénédiction post-mortem. Quel symbole pour ces princes du capitalisme roi que de se voir intégrer au palais de Versailles à travers quelques pièces de leurs collections.

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Kiki par Murakami à Versailles ©Bernard Hasquenoph

Ces critiques diverses et variées n’émanant pas « de cercles d’extrême-droite intégristes et de cercles très conservateurs » ont en commun de s’insurger, non contre introduire l’art contemporain à Versailles mais contre la manière de le faire, jugeant parfois ces expositions sans grand intérêt dans leur réalisation, jusqu’à les estimer même trop attendues. Tel était le point de vue original et radical d’Elisabeth Lebovici, ex-critique d’art contemporain à Libération, qui en 2008, écrivait sur son blog : « Jeff Koons s’installe dans les appartements royaux, ce qui nous semble un tantinet trop adapté pour nous intéresser à la question (c’est comme si on exposait Picasso au musée Picasso !!) » [47]. Des manifestations sans grand intérêt quand elles ne sont pas jugées carrément préjudiciables au concept même qu’elles sont censées défendre comme pouvait le sous-entendre Mme Bernadac, au moins pour Murakami ! On pourrait résumer ce sentiment de déception par cette appréciation du critique d’art Olivier Cena, chroniqueur à Télérama, qui, interviewé par les mêmes étudiants de Sciences Po que Mme Heinich, déclarait :

« Peut-on faire du palais de Versailles un simple show room pour un artiste, aussi excellent soit-il ? Non. Peut-on demander à un artiste de travailler pendant deux ou trois ans dans Versailles à la réalisation d’une exposition ? Oui, peut-être. Là est toute la différence. Je sens quelque chose de l’ordre de la fainéantise chez Aillagon. »
Olivier Cena, Versailles controversé, SciencesPo | 2010

En l’occurence, Olivier Cena a raison de parler de show room, non dans le sens commercial mais parce que, depuis 2008, très peu de ces oeuvres sont en réalité créées spécifiquement pour Versailles, les artistes se contentant de poser ici et là (pour paraphraser Mme Bernadac) des oeuvres préexistantes avec toutes les contraintes inhérentes au lieu. Parfois cela fonctionne, parfois non, le tout étant au final très inégal. Ce qui n’était pas le cas des Versailles Off proposés sous la présidence Albanel puisqu’il s’agissait le plus souvent de commandes du CNAP. Jeff Koons n’a créé aucune oeuvre pour son intervention à Versailles. Le dossier de presse de Murakami Versailles affirme que celui-ci aurait créé 11 oeuvres nouvelles sur les 22 exposées. Rien n’est moins sûr puisqu’il s’agissait plutôt d’oeuvres présentées « pour la première fois au public » comme l’indiquait un autre document. Encore qu’il semblerait que ce soit également faux pour certaines oeuvres [48]. Mais peut-être l’indication « pour la première fois au public » jouait sur les mots, s’agissant de pièces souvent réalisées en plusieurs exemplaires ou fallait-il comprendre tout simplement pour la première fois... en France.

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Le Carrosse de Xavier Veilhan, Versailles | 2009 ©BH

Xavier Veilhan a été le seul artiste à avoir créé l’essentiel de ses oeuvres pour Versailles, fruit d’une réflexion approfondie sur le sens de son intervention, au point qu’on a pu lui reprocher qu’elles s’y intégraient trop bien, sans faire scandale. Là aussi, M. Aillagon a une explication. Plutôt qu’éventuellement évoquer la réussite d’un artiste qu’il a lui-même invité, il préfère avancer l’hypothèse que Veilhan aurait été épargné parce qu’étant français, à contrario de Koons et Murakami victimes, eux, de xénophobie, histoire de renforcer sans doute la thèse du complot fasciste [49]. Cela montre, en tous cas, que pour M. Aillagon, sans scandale, point d’intérêt, Veilhan appréciera. Et qu’il prenne garde, car très près de lui sommeille peut-être une dangereuse extrémiste, en la personne de Béatrix Saule, directrice générale du domaine. Récemment, celle-ci, à la question d’un journaliste qui lui demande si elle apprécie les expositions d’art contemporain à Versailles, a répondu :

« Lorsqu’elles sont en rapport avec le château et pensées pour lui, pourquoi pas ? du moment que l’on reste dans la haute qualité et le respect des lieux. Xavier Veilhan et Bernar Venet ont su établir un dialogue avec les lieux. Versailles est, historiquement, un endroit où l’on respecte les convenances. »
Béatrix Saule, directrice générale du domaine de Versailles, Hors-série L’EXPRESS | été 2011

Pour Bernar Venet, ce n’est pas pour rien que l’attention s’est uniquement braquée sur l’Arc entourant la statue de Louis XIV à l’entrée du château grâce à un plan médias bien orchestré, avec en première loge Le Figaro, car malgré ce que lui fait dire le dossier de presse, il semble bien qu’elle soit la seule oeuvre créée pour l’occasion, encore qu’elle s’inspire très fortement d’une précédente déjà exposée aux Etats-Unis. D’ailleurs, c’est Venet lui-même qui indique dans une interview à RFI, que Versailles est « la possibilité pour (lui) de montrer ce que (il a) pu réaliser ces dernières années ». Dès lors, on peut vraiment parler de show room au sujet de ces expositions, plus rarement de travail de création et de production par rapport au lieu, ce qui en réduit encore considérablement l’intérêt.

DE VASTES OPÉRATIONS DE COMMUNICATION
La couverture médiatique pléthorique qui a entouré et qui entoure ces expositions est due, non à leur qualité intrinsèque mais bien au lieu emblématique de renommée mondiale qu’est Versailles. Au choix des artistes aussi bien sûr, inconnus du grand public mais pas du marché de l’art, d’un micro-milieu international et de la presse. Ajouter à cela un parfum de scandale bienvenu et bien monté en sauce, bien que ses organisateurs s’en défendent vertueusement, et tous les ingrédients étaient réunis pour un tel succès... médiatique. Nicolas Bourriaud, figure du milieu de l’art contemporain, actuellement chef de l’Inspection de la création artistique au Ministère de la Culture, n’a pas dit autre chose quand il a déclaré, à froid, dans une émission de télé en présence de M. Aillagon, par une formule ambiguë en forme de compliment :

« En terme de communication, je trouve que la présence de Murakami au Château de Versailles, ça a été absolument énorme et bien joué. »
Nicolas Bourriaud, « Ce soir ou jamais », FR3 | 27.09.10

Question communication, on ne peut qu’être d’accord, mais, question compliment, il n’a pas dit plus, si ce n’est, se livrant à un exercice périlleux de contorsionniste, qu’il pouvait comprendre le choix spectaculaire de Murakami sans pour autant apprécier personnellement l’artiste [50].

Une manifestation similaire au Château de Fontainebleau programmée quasi au même moment que Jeff Koons Versailles sera ainsi largement passée inaperçue, comme beaucoup d’autres en France [51]. Car M. Aillagon n’a fait que récupérer un phénomène qu’il est loin d’avoir inventé, même pas à Versailles. Quand on lui demande qui l’a précédé, il répond en toute humilité, si ce n’est Louis XIV, au moins le roi Louis-Philippe. L’inculture aidant, vu le caractère malheureux de l’exemple comme on l’a vu, ça passe et ça fait son effet. Mais il se garde bien de dire que c’est sa prédécesseure Christine Albanel qui a initié ce mouvement en 2004 avec les Versailles Off, comme il oublie de citer Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la Culture, à qui l’on doit la première exposition d’un artiste vivant dans l’enceinte du domaine en 2006, avec celle du peintre de l’abstraction lyrique Georges Mathieu dans la Petite Ecurie, lequel avait déjà investi Versailles pour une installation dans les années 1970 ( voir encadré).

Malgré toutes les tentatives d’étouffement des protestations, les difficultés d’acclimatation rencontrées par les expositions d’art contemporain à Versailles depuis 2008, avec tout de même trois procès à la clef, loin d’être une preuve de qualité, ne sont-ils pas plutôt le signe d’un échec de méthode et de réalisation ? Et si ces manifestations étaient pas assez pensées, baclées et mal offertes au public. Les points de vue critiques émanant de personnes non hostiles à l’art contemporain nous confortent dans l’idée qu’on a affaire ici à des manifestations hybrides, plus marketing que culturelles. Une dimension reconnue par Xavier Veilhan quand, dans Paris Match, on lui posa une question quasi subversive pour ce magazine :

Elisabeth Couturier - « N’avez-vous pas l’impression de servir d’alibi pour une vaste opération de communication ? »
Xavier Veilhan - « Je ne suis pas dupe, mais cette commande est quand même très excitante ».
PARIS MATCH | 03.09.09

De vastes opérations de communication... C’est tellement vrai qu’il nous suffit de rappeler encore qu’à seulement quatre jours du lancement de Jeff Koons Versailles, M. Aillagon n’avait pas hésité à parler de « succès immense » et de « succès mondial » à l’aune du « caractère universel de la revue de presse », seule comptant à ses yeux l’aura médiatique de l’événement [52]. A en oublier un détail : comme pour les superproductions cinématographiques, une avalanche médiatique ne crée pas nécessairement un succès public. Il faut alors parler, en conclusion, de la désinformation officielle qui accompagne ces événements depuis le début, complaisamment relayée par une presse souvent elle-même partenaire de l’événement et qui en tire profit par la vente de numéros hors série et de reportages porteurs dès qu’il s’agit de Versailles : de l’opacité du financement de ces expositions qui pèse sur le Château beaucoup plus qu’on ne le dit aux mensonges éhontés concernant leur nombre des visiteurs, sujets sur lesquels nous reviendrons bientôt. De manière assez troublante, on retrouve les mêmes méthodes de manipulation de l’info que dans le camp d’en face, dans les « cercles d’extrême-droite intégristes ». Ces manifestations décalées n’ont en rien boosté les chiffres de fréquentation du domaine de Versailles qui n’a que peu évolué en réalité depuis l’arrivée de M. Aillagon. Et c’est peut-être là son grand échec, dans la vision consumériste de la culture qui est la sienne.

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Venet à Versailles | 2011 ©BH

Ces manifestations auraient, nous dit-on encore, modernisé le lieu et son image en aurait été rajeunie. Alléluia ! Mais que cela peut-il signifier pour un site patrimonial par essence figé dans son passé, qui en fait l’attractivité ? L’art contemporain aurait attiré plus de jeunes - là aussi on attend les éléments qui le prouvent - selon l’équation totalement infondée : art ancien = public âgé / art contemporain = public jeune. Enfin, et c’est le plus cocasse, ces événements auraient donné de la visibilité à Versailles. Comme si ce site en manquait alors qu’il fait partie des monuments les plus célèbres au monde ! Versailles a existé avant l’art contemporain, et il existera après car c’est Versailles qui attire, rien d’autre. Une chose est sûre, ce sont ces événements-là qu’on retiendra des années Aillagon à Versailles, peut-être injustement puisqu’il s’y est passé d’autres choses. Mais de par le côté tapageur de ces manifestations, collant à un certain air du temps arrogant, à l’image de Nicolas Sarkozy qui l’y a nommé deux fois, la présidence Aillagon à Versailles restera comme celle du bling-bling, avec tout ce que cela sous-entend de clinquant, d’esbroufe et de manipulations médiatiques, parfois aussi de vide. On s’en rendra bien compte un jour. Dommage pour l’art contemporain. Dommage pour Versailles. Dommage pour le public.

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:: Bernard Hasquenoph | 29/06/2011 | 15:10 | 5 commentaires

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EN COMPLÉMENT

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Versailles Off 2004 ©BH

QUAND L’ART CONTEMPORAIN EST ENTRÉ À VERSAILLES
L’art contemporain au Château de Versailles apparaît dans le programme du Grand Versailles annoncé en octobre 2003 lors d’une conférence de presse conjointe de la présidente du domaine et du ministre de la Culture de l’époque, Christine Albanel et Jean-Jacques Aillagon : « Versailles, objet privilégié des commandes royales des XVIIe et XVIIIe siècles, doit renouer avec la création artistique de son temps » peut-on lire dans le dossier de présentation. Les commandes du XIXe, sous Louis-Philippe, sont, elles, oubliées.

Cela devait prendre deux formes : la commande à un artiste vivant pour décorer l’escalier dit Gabriel mais construit... en 1986 - Daniel Buren avait été pressenti mais cela n’a pas abouti, sans qu’on ait jamais su pourquoi - et la mise en place d’un « parcours d’art contemporain » calqué sur le modèle de la Nuit Blanche parisienne. Ce sera Versailles Off, durant les deux soirs d’un week-end d’octobre : « Une manifestation temporaire, qui prendra la forme d’un itinéraire original offrant des points de vue sur les lieux méconnus du domaine, éléments peu fréquentés ou non ouverts habituellement à la visite ». Dans le communiqué de la première édition, l’idée de cette manifestation revient à Christine Albanel, et Christophe Tardieu, l’administrateur du Château à l’époque, affirme la même chose dans son livre de souvenirs : « Christine Albanel était persuadée qu’il était possible d’instiller, de façon très temporaire, des touches d’art contemporain lors d’une manifestation exceptionnelle » [53]. Ces expositions collectives d’artistes contemporains étaient menées en co-production avec le Centre national des arts plastiques (CNAP) qui finança la plupart des oeuvres, les crédits du Grand Versailles n’en étaient pas affectés.

De 2004 à 2007, les quatre éditions de Versailles Off récolteront un certain succès : entre 20 et 30 000 visiteurs sur deux soirs selon les chiffres officiels. Etait-ce l’art contemporain qui attirait ou plutôt l’ouverture gratuite du domaine de Versailles à des heures inhabituelles avec accès à des lieux méconnus ? Quoi qu’il en soit, comme pour la Nuit Blanche, c’était une manière intelligente de faire découvrir à ces visiteurs d’un soir des formes d’art peut-être pour eux méconnues et de poser la question de la relation de l’art vivant au patrimoine. Ces manifestations n’engendrèrent aucune polémique à l’exception, en 2006, de l’incident grotesque qui empêcha la présentation dans la Chapelle royale de robes de mariée signées Christian Lacroix. Dans les jours qui précédèrent l’événement, les milieux intégristes versaillais soutenus par l’archevêque local et, de manière plus incongrue, par le maire de l’époque, Etienne Pinte, s’enflammèrent contre la présence de ces robes haute couture dans un lieu de culte, la jugeant « sacrilège » à la seule lecture de la phrase de présentation poétique signée du couturier : « Artifices & sacrifices, magie noire & mariage blanc, cris & chuchotements, parures & apparitions, parade & apparat, châsses & icônes, pompes & circonstances, images & pilgrimages, sacres & simulacres ». Le 7 octobre 2006, premier soir du Versailles Off, il y eut une mini-manifestation à l’entrée de la Chapelle accompagnée de chants religieux et, selon l’administration du Château, des heurts violents aux grilles l’obligèrent à en fermer l’accès au public. Christine Albanel publia ensuite une tribune dans Le Figaro au titre grandiloquent - « À Versailles, la liberté de créer à été bafouée » - recevant le soutien de Christophe Girard, adjoint à la culture de la Mairie de Paris et initiateur de la Nuit Blanche.

Les Versailles Off, expériences ludiques pour le public, n’ont pas empêché la tenue d’une petite escroquerie intellectuelle selon la formule employée par Christophe Tardieu qui le raconte fièrement dans son livre p.192. La direction du Château profita de l’édition 2005 pour tester le flux de visiteurs dans l’Opéra royal qu’elle souhaitait ouvrir librement à la visite. Pour en justifier l’accès, il fallait, selon l’ex-administrateur, « donner à cette visite un caractère de happening culturel ». Ariane de Lestrange, directrice de la communication du château - elle l’est toujours - installa donc sur la scène, aidée du responsable de l’Opéra, « un palmier et divers objets, éclairés par le côté ». M. Tardieu rapporte alors, avec un cynisme confondant, les visiteurs pleins de « perplexité » devant cette «  »oeuvre« improbable ». Il s’amuse, avec la même morgue que l’on trouve tout le long de son livre, de leurs réactions : « Fort heureusement, la crainte d’émettre un avis sur l’art contemporain et l’angoisse d’apparaître comme un cuistre empêchèrent nos visiteurs d’exprimer un peu trop clairement leur point de vue ». Et de se moquer d’une personne s’extasiant devant « cette fa-bu-leuse distanciation entre le végétal de l’arbre et le minéral du bâtiment qui nous entoure ». On retrouve cet exploit dans le rapport d’activité de l’établissement de 2005 en ces termes : « Sur la scène de l’Opéra, en collaboration avec les services des jardins et de la communication, une décoration minimale mettait en valeur l’Opéra ». Respect du public ? Zéro. Comment s’étonner ensuite que des personnes considèrent l’art contemporain comme une arnaque ?

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Versailles, 2006 ©DR

Mais la première vraie exposition d’un artiste vivant et moderne au domaine de Versailles, a été celle, en 2006, du peintre de l’abstraction lyrique Georges Mathieu, vieux monsieur né en 1921 qui vivrait entouré de toiles Charles Lebrun, son peintre préféré, dont l’oeuvre souffre sans doute de ses convictions ultra-conservatrices. L’exposition s’est tenue gratuitement du 5 mai au 2 juillet 2006, dans la Petite Ecurie, face au Château, à l’initiative de Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la Culture, en collaboration avec la RMN et avec la participation du musée du Louvre et du Centre Pompidou. Voilà comment Solange Auzias de Turenne, la commissaire, justifiait alors la manifestation sur RFI : « Mélanger Versailles et l’art nouveau peut n’être qu’une réussite. Il ne faut jamais rester dans un système. Quand Louis XIV montrait ses oeuvres, elles étaient du moment. Versailles reste Versailles, mais il faut aller plus loin dans ce qu’on peut voir, il ne faut pas s’enfermer, même s’il est somptueux, dans quelque chose du passé » [54]. Mais, bien avant cette exposition, pour un film expérimental que Frédéric Rossif lui avait consacré en 1971, on voit plusieurs des toiles de Georges Mathieu entourer, comme une installation, le bassin de l’Orangerie avec en arrière-plan le château de Versailles...

« GEORGES MATHIEU OU LA FUREUR D’ÊTRE » PAR FRÉDÉRIC ROSSIF | 1971


VOS COMMENTAIRES


4.06.2015 | pierre |

Avez vous remarqué cette tendance insistante des commissaires d’exposition qui s’ingénient à faire cotoyer des œuvres majeures de l’art classique avec des horreurs conceptuelles d’artistes locaux ou « amis » ? avec l’idée sous-jacente que les critères de jugement sont des notions has been. et que tout ce vaut. ou bien que l’œuvre n’existe que dans sa dimension révolutionnaire et subversive.


10.05.2015 | Francois Thevenin |

Quand je vais a Versailles c’est pour y visiter Versailles le Chateau avec une disposition d’esprit adaptee a ce que je viens y voir. Apres avoir achete mon ticket je me trouve confronte avec un decor completement defigure par les machins qu’on y a disposes et qui me gachent ma visite tant sur les plans artistiques, historiques et emotionnels. Ces« Messieurs-Dames » qui gouvernent le chateau manifestent le plus grand mepris pour le cadre mondialement exceptionnel autant que pour mes aspirations de client visiteur. C’est une ESCROQUERIE. Pourquoi ces« Messieurs-Dames » pretentieux doivent-ils rester impunis et n’attendant, de leurs aveux memes, que l’occasion de recommencer en pire, m’imposant encore la dictature de leur gout « eclaire », de leur raillerie meprisante, surs de la superiorite de leur nature d’« aristocrates » intouchables ? L’histoire de Versailles m’angoisse a la vue de ces admirateurs de Louis-Philippe qui a saccage tout l’interieur du chateau pour y construire les clapiers de l’aile du Nord et cette galerie des Batailles, simple clone de la grande galerie du Louvre. C’est Monsieur Homais qui continue de se prendre pour un genie.


26.09.2011 | guy.montag |

Effectivement Sacha Guitry n’a pas dit la réplique de Léon Zitrone : « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi ! »

En revanche il a dit : "Si ceux qui disent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d’eux, ils en diraient bien davantage ! et aussi : « Je n’ai qu’une seule ambition : ne pas plaire à tout le monde. Plaire à tout le monde c’est plaire à n’importe qui. »

Maleureusement cette dernière réplique ne correspond pas du tout à Monsieur Aillagon, qui lui cherche à plaire à n’importe qui et à n’importe quel prix. L’important c’est le nombre d’entrées, entrées aux tarifs régulièrement réévalués. Bientôt au fronton de la grille dorée de Versailles on lira : vive la culture ! oui mais la culture du profit !


3.07.2011 | Bernard Hasquenoph / Louvrepourtous |

@Britanobasco Au risque de vous décevoir, archives de presse à l’appui, ce que vous dîtes aujourd’hui de M. Aillagon, on l’a dit à chaque nouveau dirigeant de Versailles. Sans trop chercher, j’ai trouvé cet article du Parisien de 2005 qui parle de sa précédesseure en ces termes : « La nouvelle reine, c’est elle. Grâce à Christine Albanel, le château de Versailles ne quitte plus les feux de la rampe depuis plusieurs mois. Une révolution pour ce monument si sage (...) La présidente de l’établissement public du château de Versailles est une monarque qui bouleverse les usages. Mais pour une fois, dans la cité royale, on ne se plaint pas d’une telle audace... » Je peux vous trouver le même type d’articles pour Mrs Astier, Lemoine etc. Mais M. Aillagon, par un art consommé de la communication, réussit à faire oublier tout ce qu’ont fait ses prédécesseurs, au moins depuis Louis-Philippe, aidé en cela par des médias totalement amnésiques. Enfin, êtes-vous bien sûr que votre citation finale soit de Sacha Guitry ? Elle est signalée partout comme de Léon Zitrone, ce qui ramènerait peut-être ce dont on parle à son juste niveau. Cordialement


1er.07.2011 | britanobasco |

Que l’on aime ou que l’on déteste ce que fait Jean-Jacques Aillagon à Versailles, le fait est qu’il a contribué à sortir le château de la routine et du conformisme qui l’affectaient depuis le départ de Gérald Van Der Kemp en 1980. Et ce n’est pas la création de l’Etablissement public en 1995 qui ait beaucoup contribué à changer les choses. M. Aillagon agit à l’anglo-saxonne, en patron d’une institution culturelle de renom international, soucieux d’attirer vers lui média et mécènes. Jamais depuis son arrivée en 2007, Versailles n’avait drainer autant d’argent. Voyez toutes les restaurations et acquisitions faites depuis ce temps. Rappelons que Van der Kemp aussi oeuvrait à l’américaine, au grand dam d’une certaine intelligentsia culturelle et administrative française. Si toute action est sujette à critique et que rien n’est parfait chez lui, loin s’en faut, Aillagon demeure bel et bien un homme de son temps, conscient des enjeux culturels actuels et du déclassement artistique qui menace notre pays, enfermé dans un ronron et des pratiques culturelles d’un autre âge ! Rappellons-nous ce que l’on disait de Jack Lang en son temps. 30 ans après, nous regrettons bien ces années de folie culturelle, aussi excessives soient-elles, où la France était redevenue le point de mire international. Il en va de même d’Aillagon. Son expérience d’ancien ministre et d’homme proche des artistes comme des milieux d’affaire lui a permis de prendre la mesure de ce dont a besoin Versailles. Tant qu’il sera là, il en sera ainsi. Plus l’on critiquera son action et plus l’on aiguisera son sens aigu de la provocation, comme le confirme une de ses citations sur ce site. Rien de plus jouissif en effet pour lui, sous des dehors impassibles, que d’enfoncer le clou sur tous les conservateurs et pisse-froids de tous bords ! S’il est une phrase qui résume bien son action à Versailles, c’est celle de Sacha Guitry : « Dites du bien ou du mal de moi, pourvu que vous parliez de moi ! » et de Versailles par la même occasion. CQFD.


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NOTES

[1] Encore cette année, on y a eu droit : « A l’époque de Louis XIV, les artistes invités étaient des artistes contemporains. » Bernar Venet, vidéo CG78 | 06.11. Ben oui, faire travailler des morts pour construire et décorer un palais reste un exercice difficile !

[2] On ne compte plus les déclarations de Jean-Jacques Aillagon dans ce sens :
- « Le château de Versailles a été voulu pour la représentation du pouvoir, a été voulu pour la fête surtout, on sait la place que tenait la fête à la Cour de Louis XIV et je pense, pour ma part, qu’en présentant Murakami à Versailles, je suis fidèle à la volonté de Louis XIV. » PUBLIC SÉNAT | 23.09.10
- « Je pense que Louis XIV qui était à l’affût de toutes les innovations de la création de son temps, qui était curieux de tout ce qui se faisait dans l’Europe toute entière, je crois qu’il serait très sensible à des démarches de ce type. » JT 20h FRANCE 2 | 09.09.10
- « Louis XIV attend avec beaucoup d’impatience l’exposition de vos oeuvres. » à Murakami, AFP | 09.06.10.

Mais les artistes ne sont pas en reste et convoquent l’aval post-mortem de Louis XIV :
- Jeff Koons : « C’est le genre de travail où Louis XIV en se réveillant un matin et en regardant à travers sa fenêtre dirait : »Je veux une sculpture de 90 000 plantes vivantes et je veux qu’elle soit finie ce soir« et il viendrait ici chez lui et voilà ce serait là. » JT 20h FRANCE 2 | 10.09.08, d’autres citations similaires...
- Bernar Venet : « Si Louis XIV était encore vivant et s’il avait l’esprit qu’il avait à l’époque, celui justement de montrer de l’art qui lui était contemporain, il serait tout à fait d’accord d’exposer les artistes qui m’ont précédé. Jeff Koons, Veilhan, Murakami, c’est tout à fait ce qu’il aurait aimé. » iTÉLÉ | 06.11.

[3] « Il faut refuser de faire de Versailles un objet plongé dans la naphtaline et refermé sur lui-même. » AFP | 25.05.11.

[4] M. Aillagon a fait cette déclaration stupéfiante d’humilité, pensée qu’il avait déjà exprimée auparavant : « J’ai modestement l’impression que j’ai donné une visibilité à Versailles et un magistère exceptionnel à la fonction de président : les ambitions que suscite Versailles en sont un signe. » (LE FIGARO | 12.05.11). Il est vrai qu’avant lui, on n’avait jamais entendu parler de ce bourg qu’on appelle Versailles ! Ne fallait-il pas plutôt entendre : « Versailles a donné une visibilité exceptionnelle à M. Aillagon » ?

[5] Nous publierons ces différentes citations dans notre prochain article à paraître sur les fréquentations imaginaires des expositions d’art contemporain à Versailles.

[6] A Liège en Belgique, au musée d’Assembourg, venu visiter en touriste un hôtel particulier censé évoquer l’ambiance d’une demeure aristocratique du XVIIIe siècle qu’on ne reverra certainement jamais, on y avait découvert des oeuvres contemporaines disséminées un peu partout jusqu’à l’absurdité puisque l’une des pièces de la maison, la plus intéressante historiquement selon les guides, était plongée dans le noir du fait de cette exposition temporaire ! Une rue plus loin, le musée du Grand Curtius abritait ça et là, dans ses vitrines d’antiquités, des pièces modernes, ce qui, et d’une, n’entravait pas la vision des collections et de deux, était parfois bienvenue. On a vécu le même embarras, en 2009, au Château de Fontainebleau où l’on n’était pas revenu depuis l’enfance et où, une fois sur place, nous sommes tombé sur l’exposition contemporaine « Design à la Cour » dont nous avions vu l’affiche à l’entrée sans penser qu’elle était incluse dans le circuit général de visite. Nous avons alors découvert les pièces les plus célèbres du château encombrées - le mot est juste vu la scénographie choisie (voir ici) - par de multiples objets modernes. Pour nous, ce fut une déception, non pas que nous détestons le design, bien au contraire, mais on n’était simplement pas venu pour cela. Il s’est avéré par exemple impossible de voir la célèbre Galerie François-Ier dans sa plénitude. A contrario, quand nous nous rendons par exemple au Louvre, curieux de telle ou telle installation contemporaine, nous faisons une démarche volontaire. Certaines choses nous ont plu, d’autres non. A Paris encore, nous aimons particulièrement le cadre de la chapelle de l’Ecole nationale des Beaux-Arts qui présente régulièrement des expositions d’art contemporain. D’ailleurs nous trouvons particulièrement adaptés - nous savons que nous allons faire bondir certaines personnes - les édifices religieux à la présentation de l’art contemporain sans trop savoir pourquoi, peut-être parce que ce cadre serein lui confère une part de mystère ou ce supplément d’âme qui lui manque parfois ou que ce cadre renforce la part souvent intrigante des oeuvres contemporaines. C’est pourquoi nous sommes séduit, sans hélas n’y être encore jamais allé, par le festival L’art dans les chapelles dans le Morbihan qui depuis vingt ans, bien avant que les grands musées nationaux se frottent à l’art contemporain, ont investi de petites chapelles anciennes, si nombreuses en Bretagne, pour un itinéraire d’art contemporain imaginatif et varié.

[7] 17.12.10.

[8] L’EXPRESS - L’Histoire en images n°2 | été 2011

[9] Le jardinier de Versailles, éd. Grasset, 2006, p.26.

[10] « J’aime cette exposition parce qu’elle est gaie, elle est colorée, fleurie, parfois même coquine. Elle me plaît beaucoup. Elle n’entraîne aucune dégradation du site. » Alain Baraton, FRANCE INTER | 26.09.10.

[11]
- « Le promeneur peut, d’ici (l’Etoile royale), découvrir au loin le château sans aucune pollution moderne, comme Louis XVI et Marie-Antoinette le voyaient. »Jean-Jacques Aillagon, LE POINT | 03.03.11
- « NON ! A la pollution visuelle, au désordre mental et à la vulgarité érigée en prétendue « oeuvres d’art ». » Dans un tract d’opposants à Murakami Versailles | 09.10.
- On remarquera également que M. Aillagon n’est absolument pas choqué par les petits trains et les voitures de golf qui sillonnent les Jardins autour du Château et qui sont garées juste sur le Parterre d’Eau comme sur un parking.

[12] « Il a fallu jongler avec diverses contraintes : le flux des visiteurs, mais aussi le tournage de deux films en costume prévus cet été. »Les oeuvres de Bernar Venet ne devaient pas apparaître de façon incongrue dans les plans de tournage« , souligne M. Aillagon. » AFP | 25.05.11.

[13] L’expression pertinente d’infiltration de l’art contemporain dans les collections anciennes est de Claude d’Anthenaise, conservateur en chef au musée de la Chasse et de la Nature, à Paris, qui mène un travail d’exposition d’art contemporain particulièrement subtil et original. A écouter son intervention ici lors du colloque « Exposer l’art contemporain dans les monuments historiques » à l’Institut national du patrimoine (INP) | 07.10.10.

[14] « Les peintres sont plus difficilement accueillables à Versailles que les sculpteurs tout simplement parce que nous n’avons pas de murs. Les murs sont encombrés déjà de mille choses, sont enrichis de mille choses : il y a des peintures, il y a des décors, il y a des marbres, il y a des stucs... En revanche, il est beaucoup plus facile d’introduire un objet, une sculpture, en trois dimensions », « Aux Arts, citoyens ! », PUBLIC SÉNAT | 15.10.10.

[15] BEAUX ARTS Hors-série Jeff Koons Versailles | 10.08.

[16] « J’ai trouvé que c’était une exposition où il y a eu des choses très séduisantes, qui certainement a fait venir beaucoup de visiteurs, mais il y a déjà beaucoup de visiteurs à Versailles. Moi, je ne l’aurais pas faîte dans les Grands Appartements. Le parti que j’avais pris, c’était de faire une opération d’art contemporain qui était plus brève et qui était dans les lieux que les gens ne connaissaient pas et qu’ils découvraient justement à cette occasion. Là, ça a été un coup d’éclat finalement qui a mis tous les projecteurs sur Versailles, pourquoi pas. » Christine Albanel, ministre de la Culture, « Le Grand Jury », RTL | 04.01.09. Cependant, elle-même avait organisé au même endroit l’année précédente, sur sa propre idée, l’exposition Quand Versailles était meublé d’argent.

[17] « Proposer des expositions aux visiteurs du Château est évidemment un plus (...) mais pourquoi vouloir à tout prix encombrer ces espaces uniques alors que le Château dispose de multiples possibilités d’exposition ? » Lire ici.

[18] ART PRESS | 09.09.

[19] « Créations contemporaines du Mobilier national au château de Versailles » 12 septembre – 11 décembre 2011.

[20] Nous avions noté avec stupeur la maigreur des liens établis entre les oeuvres Murakami et le cadre du château dans les commentaires audioguidés de l’exposition. Exemples : « Des milliers de couleurs sont utilisées, et pour cette œuvre (« Tongari-Kun » dans le Salon d’Hercule), quatre ans de travail furent nécessaires. Comment ne pas y voir un rapport avec l’extraordinaire peinture du plafond, peinte par François Le Moine, qui surplombe cette sculpture ? » ; « Dans le salon de Vénus, les gardiens spirituels que sont Kaikai et Kiki qui tendent leurs lances sont finalement à leur place de part et d’autre de la statue du roi Louis XIV. » ; « Dans le salon de Mercure, les deux éléments de l’œuvre « Kinoko Isu » constituent une forme de mobilier un peu rare et inédite. C’est l’occasion de rappeler qu’à Versailles tout le mobilier a pratiquement disparu. »

[21] Interrogé sur l’absence de livres d’or à Versailles, M. Aillagon a déclaré : « J’ai supprimé les livres d’or dès mon arrivée à Versailles. Partout où je passe, je les supprime car je trouve cette pratique un peu niaise, bébête et peu utile. Les gens qui veulent s’exprimer peuvent le faire auprès des agents d’accueil du Château qui tiennent à leur disposition des feuilles de visite. Ils y laissent leur nom, leur adresse et leur mail, ce qui nous permet de leur répondre. », AFP | 27.08.10. Pourtant, le livre d’or pour les musées représente un outil d’évaluation du ressenti du public d’autant plus intéressant que les réflexions y sont spontanées et anonymes. Les directions s’en servent, comme à Versailles avant l’arrivée de M. Aillagon ce que l’on retrouve dans les rapports d’activité. Ce qui n’a rien à voir avec des feuilles de visite individualisées. Les livres d’or sont même utilisés dans les enquêtes sociologiques d’étude des publics. Les modes d’expression différés sur Internet, comme sur Facebook, sont un moyen d’expression non négligeable mais qui, en général, mobilise les personnes les plus investies dans un débat, d’un avis souvent tranché, qui ne sont pas forcément des visiteurs réels.

[22] LE NOUVEL ÉCONOMISTE | 14.04.11.

[23] JT, 13H FRANCE 2 | 15.09.10

[24] LA CROIX | 08.09.08.

[25] Cité par Basile de Koch, dans causeur.fr, citation extraite de l’émission Un soir au musée, FRANCE 5 | 13.11.08.

[26] L’estampille-L’objet d’art | octobre 1990.

[27] « Nous prenons acte de cette décision qui nous donne encore une fois raison et valide la politique culturelle de l’Etablissement public », LIBÉRATION | 15.06.11.

[28] « Les protestations »émanent de cercles d’extrême-droite intégristes et de cercles très conservateurs« , considère Jean-Jacques Aillagon, président de l’établissement public du Château de Versailles, interrogé par l’AFP. Ils voudraient faire de Versailles »un reliquaire de la nostalgie de la France de l’Ancien Régime, d’une France repliée sur elle-même et hostile à la modernité« , ajoute-t-il. » AFP, 27.08.10.

[29] « Je suis tout à fait hostile à cette espèce de relégation de l’art qu’on produit aujourd’hui dans des institutions spécialisées, exclusivement dans des institutions spécialisées, elles sont nécessaires à condition qu’elles ne deviennent pas des ghettos pour l’art contemporain. » JJA, CE SOIR OU JAMAIS, FR3 | 27.09.10.

[30] Pour être tout à fait exact, la statue de Louis XIV a été enlevée en 2006 de la cour d’Honneur où le roi Louis-Philippe l’avait placé pour faire place à la reconstitution de la Grille Royale. A cette date, M. Aillagon n’était pas encore président du Château mais il avait validé ce chantier en 2003, en tant que ministre de la Culture, dans le projet du Grand Versailles. C’est sous sa présidence qu’en 2009, la statue a été remontée sur la place d’Armes.

Dans l’émission « Aux Arts, citoyens ! », PUBLIC SÉNAT | 15.10.10 : - Jean-Pierre Elkabbach : M. Aillagon c’est vous qui avez inventé à Versailles ce type de manifestations...
- JJA : Tout d’abord, je tiens à vous dire que je n’ai pas inventé l’introduction d’artistes d’un autre temps...
- JPE : Non, c’est Louis XIV !
- JJA : C’est Louis-Philippe qui, en transformant le château de Versailles en musée d’Histoire de France, y a introduit des oeuvres de son temps, des oeuvres de Delacroix, d’Horace Vernet, de beaucoup d’autres..." /
- « Quand Louis-Philippe, le roi des Français, a transformé le château de Versailles en musée, il a commandé à des artistes contemporains des grandes compositions pour illustrer les grands moments de l’histoire de France. Nous sommes fidèles à cette tradition-là. » FRANCE 3 | 09.09.10
- « Louis Philippe, instituant à Versailles le Musée de l’Histoire de France, passa commande aux plus illustres artistes de son siècle. » dossier de presse Murakami Versailles

[31] « Dans le cas de la pièce intitulée »Michael Jackson and Bubbles« , vous remarquerez la très belle correspondance qu’il y a entre cette sculpture, ce Michael Jackson avec un petit singe sur ses genoux et derrière, le portrait sculpté en pied du roi déguisé en Hercule (...) le roi pose en effet sa main de façon tout à fait identique sur un casque zoomorphe, revêtu de la tunique du lion de Némée. » JJA « Face à Face » avec Philippe Tesson, Vidéo LE FIGARO MAGAZINE | 23.09.08 / « Flower Matango » par Murakami « est présentée à l’extrémité de la galerie des Glaces, sous l’un des panneaux peints par Lebrun, représentant l’armure de Samouraï qui fut offerte au Roi-Soleil et qu’il conservait dans ses collections. » JJA, LA CROIX | 09.09.10.

[32] Dans les commentaires audioguidés écrit par Laurent Le Bon.

[33] « Nous pouvons les uns et les autres dans la même journée aimer écouter Monteverdi, même pour les plus audacieux Hildegarde de Bingen, et également écouter Pierre Boulez, écouter M, ou éventuellement Carla Bruni. » colloque « Exposer l’art contemporain dans les monuments historiques », INP | 07.10.10 / « Je suis contre les ségrégations, dans une culture vivante et ouverte. On peut dans une même journée écouter Monteverdi, Boulez, Vanessa Paradis ou M ! » RÉPUBLICAIN LORRAIN | 22.09.10.

[34] « Louis XIV a fait ce château avec les grands artistes de son temps. Certes, il y a mis des œuvres antiques, comme La Joconde, mais il a demandé à Molière, André Le Nôtre, Jean-Baptiste Lully, Charles Le Brun et bien d’autres grands artistes de son temps, d’œuvrer pour lui. La tradition de Versailles n’est pas nous sommes un musée avec des vieux trucs. Mais nous sommes un lieu de l’excellence artistique ; ce n’est pas un château figé, mais un château vivant. C’est aussi pour cela que nous organisons des spectacles dans les jardins. Le fait de faire à Versailles de l’art contemporain, de l’art d’aujourd’hui, ce n’est que faire la même chose qu’avant. » Laurent Brunner, directeur de Château de Versailles Spectacles, JDD | 19.09.09.

[35] « Je suis contre les ségrégations, dans une culture vivante et ouverte. » RÉPUBLICAIN LORRAIN | 22.09.10 / « Je ne crois pas que les oeuvres d’art ont vocation à être enfermées dans des ghettos chronologiques. Je crois au caractère tonique de la rencontre des oeuvres du passé, et du présent, des oeuvres de notre culture et de celles des autres cultures. La culture c’est le métissage, ce n’est pas la ségrégation. » tchat LIBÉRATION | 15.09.10 / « Les oeuvres d’art ne doivent pas être enfermées dans des ghettos mais s’accepter les unes les autres. » Conférence de presse, Versailles | 09.09.10.

[36] « Jean-Jacques Aillagon « La question de la suppression du ministère de la culture peut se poser » », LE MONDE | 30.12.08.

[37] Toujours très pro, l’AFP arrive à se mélanger les pinceaux entre les deux groupes connus d’opposants radicaux, qui ne font pas que s’opposer au Château mais s’opposent aussi entre eux bien que nageant dans les mêmes eaux dont l’épicentre pourrait être Radio Courtoisie où chacun s’y exprime librement mais pas dans les mêmes émissions. Laquelle radio est présidée par Henry de Lesquen, Versaillais bien connu, conseiller municipal d’opposition au maire actuel François de Mazières et par ailleurs président du Club de l’Horloge. Cette dimension locale échappe à tout le monde. Pour Venet à Versailles, la dépêche AFP de présentation de l’exposition signée Pascale Mollard-Chenebenoit ne cite qu’une critique, celle d’« Anne Brassié-Auger, une Versaillaise qui anime une émission sur Radio Courtoisie » (AFP | 25.05.11). Ce qui est drôle car tout aussi activiste, la journaliste tait les actions d’Arnaud-Aaron Upinsky et de sa Coordination de défense de Versailles qui a tout de même soutenu les deux actions judiciaires contre le Château depuis Jeff Koons Versailles et qui a annoncé le premier celle de l’Association des Riverains de l’Avenue de Paris (ARAP). On remarquera également que tous les médias avaient décrété on ne sait pas trop pourquoi qu’il n’y aurait pas de polémique à propos de Venet à Versailles. Résultat : une action judiciaire.

[38] « Les « bonbons » indigestes de Takashi Murakami » par Bénédicte Ramade, L’OEIL | 10.10. Un article des Inrockuptibles est aussi de cet ordre-là, prenant moultes précautions et ne rencontrant à Versailles que des personnes jugeant positives l’exposition contemporaine, avant d’en venir à des critiques : « Murakami à Versailles : le capitalisme mondial dans la cour du roi ».

[39] Le collectif Versailles mon amour indique sur son site le chiffre de 5 913 signatures au 27 mai 2011, à prendre pour argent comptant, alors qu’une pétition en ligne émanant du même collectif et toujours active comptabilise au 4 juin 2011... 113 signatures. C’est sans doute cette liste que l’AFP, l’année dernière, prétend avoir apercue, pour toute vérification, sur l’ordinateur d’un de ces opposants (AFP | 27.08.10 & 28.08.10). Pareillement, la coordination de défense de Versailles annonce 8620 signatures au 4 juin 2011 dont 1689 signatures électroniques en ligne... pour 6916 signatures papier, affirme-t-elle.

[40] JOURNAL DES ARTS | 11.06.10.

[41] A écouter ici. Après moultes digressions et généralités, quand M. Aillagon en vient enfin à parler du sujet de l’art contemporain confronté à l’art ancien, il défend le principe d’une culture ouverte qui fait qu’un même individu est capable d’apprécier des oeuvres de plusieurs styles et de différentes époques, tout le monde je pense sera d’accord, ce qui ne justifie en rien la nécessité de les exposer conjointement ou de les mélanger ! Là où on l’aurait attendu sur des questions de méthode, qu’il nous explique comment il voit l’intégration de l’art contemporain dans le contexte précis de Versailles, il n’a rien dit.

[42] RÉPUBLICAIN LORRAIN | 22.09.10. Position qu’il affirmera à plusieurs reprises.

[43] LE FIGARO | 11.09.08.

[44] « L’un des effets négatifs de la mondialisation, c’est le grand écart absolu, ce qui est intéressant dans Murakami c’est évidemment que c’est un artiste japonais et d’avoir son point de vue mais dans les grands écarts il y a un moment où on va... il y a une question qui se pose parce qu’on peut à ce moment-là tout mélanger (...) On est un peu à un moment où il n’y a plus aucun critère de choix sur les dialogues, que tout est dans tout. Et je trouve un peu dangereux de tout mélanger même si c’était nécessaire, je crois qu’il y a eu un moment où il fallait redistribuer les cartes, sortir d’une espèce de voie royale très européenne-centrée sur notre patrimoine... ».

[45] « Le château d’Oiron et son cabinet de curiosités », par Jean-Hubert Martin, Jean Guillaume et Frédéric Didier, éd. du patrimoine, 2000.

[46] Débat « Le succès de l’art contemporain a-t-il un prix ? » ARTPRESS N°374 | 01.11.

[47] « A Versailles, mais ça tout le monde le sait, grâce à la publicité négative fait par une équipe de barbons, Jeff Koons s’installe dans les appartements royaux, ce qui nous semble un tantinet trop adapté pour nous intéresser à la question (c’est comme si on exposait Picasso au musée Picasso !!). » Elisabeth Lebovici, blog LE BEAU VICE | 03.09.08.

[48] Oval Boudha, présentée en extérieur, l’avait déjà été au MOCA de Los Angeles en 2007, redorée peut-être ici pour l’occasion. Idem pour le Oval Buddha silver déjà présenté au Musée Guggenheim de Bilbao. Flower Matango, dans la Galerie des Glaces, a été créée entre 2001 et 2006, c’est-à-dire avant même la prise de fonction de M. Aillagon à Versailles, et avait déjà été présentée en 2008 au Brooklyn Museum, à New-York. Et ainsi de suite. Il semblerait que seule la sculpture « Yume Lion (The Dream Lion) » ait été spécifiquement créée pour Versailles.

[49]
- « Il s’agissait d’un artiste français. Il y a évidemment une part de xénophobie dans les prises de positions de ces individus. » LES INROCKS | 04.09.10
- Comment expliquez-vous que l’exposition de l’an passé, qui accueillait Xavier Veilhan, n’a pas suscité autant de polémique ? : « Peut-être parce que les oeuvres de Xavier Veilhan avaient été installées en dehors du château, dans les cours et les jardins. Peut-être aussi parce que Xavier Veilhan est Français et qu’il y a, chez certains, par principe, moins d’hostilité à l’égard d’un artiste français que d’un artiste étranger. » TCHAT LIBÉRATION | 15.09.10
- « Ce soir ou jamais », FR3 | 27.09.10 :
Frédéric Taddei : « Comment expliquez-vous que, des trois, c’est Veilhan qui a fait le moins scandale ? »
JJA : « Peut-être parce que Veilhan avait pris le parti d’installer ses oeuvres à l’extérieur du château et non pas à l’intérieur. Peut-être aussi, je ne veux pas m’aventurer dans des hypothèses contestables, mais peut-être parce que Veilhan était français, que Murakami et Koons sont étrangers. Peut-être que l’intrusion d’artistes étrangers a été perçue par certains, peu nombreux je dois le dire, de façon plus pénible que la présence d’un artiste français mais c’est une hypothèse. »

[50] « Je suis ravi qu’il y ait des expositions d’art contemporain au Château de Versailles, ça c’est certain. Ensuite, moi, j’aime les artistes qui me disent quelque chose sur leur époque mais qui aussi intronisent leur point de vue sur cette époque. Murakami, pour moi, c’est plus un symptôme de l’époque, il y a une sorte de manque à ce niveau-là. C’est une oeuvre effectivement qui traduit le côté spectaculaire, le côté pulsionnel, moi je suis plutôt du côté des artistes qui sont dans la résistance à ce côté pulsionnel. En même temps, au Château de Versailles, dans ces salles surchargées de stucs, extrêmement baroques, c’est extrêmement difficile d’inscrire une oeuvre qui soit discrète ou minimaliste, on ne la verrait pas, tout simplement » « Ce soir ou jamais », FR3 | 27.09.10.

[51] Château de Tokyo / Palais de Fontainebleau, du 7 septembre au 17 novembre 2008. Jeff Koons Versailles commençait le 10 septembre.

[52] « C’est un succès immense, un succès mondial si j’en juge par le caractère universel de la revue de presse », REUTERS | 15.09.08.

[53] Le surintendant de Versailles par Christophe Tardieu, éd. du Moment, 2010.

[54] RFI | 05.06.06.



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« La fonction du musée est de rendre bon, pas de rendre savant. » Serge Chaumier, Altermuséologie, éd. Hermann, 2018
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