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Quelques musées de Belgique, petites visites guidées

Bernard Hasquenoph |

Louvre pour tous | 22/02/2011 | 11:03 |


Diaporamas accompagnés de quelques réflexions sur leurs collections, leurs architectures et leurs conditions de visites...

22.02.11 | A L’OCCASION de la sortie du quatrième livre de Bernard Hennebert pour lequel nous avons écrit la préface - « Les musées aiment-ils le public ? », éd. Couleur Livres -, nous nous sommes rendus en Belgique fin janvier. Entre deux conférences-débats à l’Hôtel Hannon à Bruxelles et au Grand Curtius à Liège (lire ici), nous avons visité quelques musées dans ces deux villes. Petites visites guidées...

Les Musées royaux des Beaux-Arts (MRBAB), tous situés à Bruxelles, se composent du musée d’Art ancien (XVe - XVIIIe siècle) et du musée d’Art moderne (XIXe - XXe siècle) qui, dans les faits, n’en composent en réalité qu’un, du musée Magritte situé dans les mêmes bâtiments, des musées Wiertz et Constantin Meunier, tous deux gratuits. Une base de données, répertoire de leurs collections à tous, est consultable en ligne ici : www.opac-fabritius.be avec des images, hélas, d’une taille ridicule. Un service éducatif semble-t-il dynamique, dénommé EDUCATEAM, propose visites et ateliers spécialisés : www.extra-edu.be.

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Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique ©BH

MUSÉE D’ART ANCIEN / Rue de la Régence 3, 1000 Bruxelles
Ce musée est en réalité le département d’art ancien du musée royal des Beaux-Arts, bâtiment conçu à la fin du XIXe siècle par l’architecte Alphonse Balat. Sa scénographie, datant des années 1970-80, n’est pas des plus heureuses. Elle apparaît un peu vieillotte dans sa partie centrale et manque globalement d’homogénéité. Les parties les plus soignées restent finalement... le café et la brasserie ultra design ! Pourtant, ce musée possède une précieuse collection d’oeuvres de Primitifs flamands comme Jérome Bosch. Une salle est consacrée à Pieter Bruegel l’Ancien, une autre à Rubens, étrangement mise en scène avec un faux plafond qui, en suspension, donne un peu l’impression qu’il va s’effondrer sur les visiteurs. Enfin, l’on trouve, des oeuvres de Jacques-Louis David, exilé à Bruxelles en 1816, dont son célèbre tableau « La Mort de Marat » et son dernier tableau, imposant en taille, peint alors qu’il avait 75 ans représentant « Mars désarmé par Vénus et les grâces » flottant dans les nuages. Refusant de revenir ensuite en France malgré les sollicitations, il y mourut en 1825 et y est d’ailleurs enterré (seul son coeur a été rapatrié à Paris pour être déposé au cimetière du Père-Lachaise).

A 8€ l’entrée, son tarif peut sembler raisonnable par rapport à la France, surtout si l’on considère que le billet inclut normalement la visite du département ou musée d’Art moderne, ce qu’on ne comprend pas bien avant d’y venir, l’information officielle ne l’indiquant pas clairement. Cependant, le musée d’Art moderne est fermé depuis février 2011 pour un temps indéterminé (voir ci-dessous), sans que pour autant le billet d’entrée ne baisse ! Le bâtiment abrite également le musée Magritte ouvert en juin 2009 à grand renfort de publicité mais celui-ci fait l’objet d’une tarification séparée (8€ seul / 13€ avec les musées d’Arts ancien et moderne) alors qu’il n’est en réalité qu’une excroissance du musée d’Art moderne, ce qui a été dénoncé par Bernard Hennebert dans une tribune parue dans la presse et publié sur notre site. L’ensemble est fermé le lundi et certains jours fériés, et gratuit pour tous le premier mercredi après-midi de chaque mois.

MUSÉE D’ART MODERNE / Rue de la Régence 3, 1000 Bruxelles
La collection va du XIXe siècle à aujourd’hui. Situé dans le même bâtiment que le musée d’Art ancien, sa particularité est d’être souterrain, sur 8 niveaux, ce qui est un peu angoissant malgré un puits de lumière central. Pas très agréable pour un musée d’art. Conçu par Roger Bastin dans les années 1980, on erre dans de vastes salles, un peu perdu. Selon Michel Draguet, actuel directeur des MRBAB, cette curieuse architecture serait due à la frilosité de l’époque qui refusa la construction d’un bâtiment moderne au coeur de Bruxelles. Nous l’avons visité juste avant qu’il ne ferme en février 2011. Pour longtemps. Car, en 2012, les lieux rénovés vont laisser place à un autre projet muséographique : le « Musée Fin de siècle » où seront mis-en-scène, aux niveaux - 6 et - 8, les courants artistiques belges de la fin XIXe - début XXe. Pendant ce temps, les collections modernes et contemporaines, faute de lieu pour se poser, feront l’objet d’expositions itinérantes dans le monde et d’expositions partielles aux niveaux - 3 et - 4. L’ensemble de la collection pourrait n’être plus visible avant 15 ans ! Plus d’infos ici.

Mêmes conditions de visite que le musée d’Art ancien, avant sa fermeture.

MUSÉE CONSTANTIN MEUNIER / Rue de l’Abbaye 59, 1050 Bruxelles (Ixelles)
Un charmant petit musée qui présente, dans son atelier-domicile d’origine, l’oeuvre du sculpteur et peintre Constantin Meunier (1831-1905). Marqué par le réalisme social cher à Courbet et à Zola, ses créations les plus saisissantes puisent leur inspiration dans l’univers âpre du travail, exaltant la force virile de l’ouvrier plongé dans les noirceurs de l’ère industrielle. L’esthétique de ces héros modernes préfigure le réalisme socialiste à la soviétique. Sous notre regard contemporain, vu les poses des modèles, leur plastique parfaite et leurs bizarres accoutrements de métier, on a presque l’impression d’avoir affaire à des mannequins haute-couture, c’est particulièrement vrai pour le Débardeur ou le magnifique Marteleur. A noter que le musée d’Orsay, à Paris, possède plusieurs oeuvres de cet artiste qui a connu un grand succès en France.

Les conditions de visite de ce musée sont particulières. Il faut sonner à l’entrée et un gardien - le gardien - vous ouvre. Gratuit en semaine mais fermé le lundi et certains jours fériés, le musée n’est cependant plus accessible en week-end que sur rendez-vous et uniquement pour les groupes ! Autant dire qu’il est inaccessible pour les touristes de passage en nombre à ce moment-là, ce qui ne favorise pas vraiment sa découverte. Malgré des tribunes publiées dans la presse, pour l’instant rien ne bouge. Mais ces conditions restrictives de visite le week-end ne sont même pas inscrites sur le panneau placé à l’extérieur du musée qui indique que « faute de personnel, nous sommes contraints de fermer le musée ce week-end » (voir photo). Les plaignants notent que le musée Magritte qui fait partie du même ensemble des musées royaux est ouvert le week-end et en nocturne une fois par semaine sans manque de personnel.

MUSÉE WIERTZ / Rue Vautier 62, 1050 Bruxelles (Ixelles)

« Aussi bien cet atelier est comme un cerveau, avec ses pensées visibles, le grand mêlé au trivial, et çà et là, parmi la clarté, des trous d’ombre, des hantises hideuses, un effrayant cauchemar. De la cervelle humaine coule le long des murs, bouillonnante de vie et de pensée, et ailleurs semble figée sous un coup de folie. Le peintre, on le voit, est de la race des grands faiseurs de songes. » Camille Lemonnier, critique d’art belge (1844-1913)

On entre ici dans l’univers d’un artiste à la personnalité hors-norme : Antoine Wiertz (1806-1865). Convaincu de son génie, ce peintre et sculpteur se voyait comme le nouveau Rubens. Vivant de portraits de commande « pour la soupe » disait-il, il fit un deal avec l’Etat belge pour qu’il lui construise cet atelier monumental afin de « peindre des tableaux pour la gloire », des toiles gigantesques qu’il devait ensuite léguer à sa patrie avec la promesse d’en faire un musée. Son musée. Méprisant les critiques, il retouchait sans cesse ce qu’il considérait comme des chefs-d’oeuvre offerts à la postérité, seule capable, à ses yeux, de reconnaître son talent [1]. Il fabriqua lui-même ses couleurs cherchant à inventer un procédé de peinture mate « sans miroitement » mais mal lui en prit car celles-ci se sont affadies avec le temps, rendant encore plus étranges ces vastes compositions où la grandiloquence se noie dans le ridicule. Une oeuvre destinée à frapper de stupeur : « Je veux consacrer ma vie à décrire l’impossible beauté. Je veux que les spectateurs se trouvent mal devant mes tableaux, que d’autres se prennent par les cheveux, ne sachant comment exprimer leur saisissement, que les jeunes femmes s’évanouissent, que les enfants s’enfuient en jetant des cris de frayeur ». Puisant son inspiration dans la mythologie autant que dans la littérature, son romantisme échevelé le poussait vers le morbide teinté d’une dose d’érotisme appuyé, autant ému semble-t-il par la plastique féminine que masculine. Ses sculptures, à cet égard, sont magnifiques. On reste perplexe devant son imagination débordante qui lui fait peindre un triptyque intitulé concassement « Pensées et visions d’une tête coupée » ; sous-titrée : « Volet gauche : Première minute. Sur l’échafaud. Centre : Deuxième minute. Sous l’échafaud. Volet droit : Troisième minute. Dans l’éternité ». Pour réaliser cette oeuvre, son perfectionnisme le poussera à assister à une exécution. Il écrivit également beaucoup, s’engageant dans de multiples causes : pour la défense des pauvres, de la démocratie ou pour l’abolition de la peine de mort, un idéalisme qui le fit surnommer « le philosophe du pinceau ». Vouant une rancoeur contre la France qui n’avait pas su reconnaître sa valeur, Antoine Wiertz avait en retour produit un pamphlet rageur, « Bruxelles capitale, Paris province », où il décrétait Bruxelles « capitale de l’Europe ! ». Derrière l’être fantasque, se cachait aussi un visionnaire... Sans femme ni enfant, il mourut dans les bras de son ami et légataire le docteur Louis Watteau (ça ne s’invente pas). Son plus fervent supporter à lire le catalogue raisonné qu’il lui consacra, devenant le premier conservateur du musée Wiertz.

Situé derrière le Parlement, dans ce qu’il reste de ce quartier d’artistes aux maisons de caractère. Les conditions de visite de ce musée royal sont les mêmes que celles du musée Constantin Meunier : gratuit en semaine et fermé le lundi et certains jours fériés, il n’est accessible le week-end que sur rendez-vous et uniquement pour les groupes !

A LIÈGE - La ville et ses environs offre une vingtaine de musées à visiter. Le plus vaste est le Grand Curtius. A noter le musée Grétry, maison natale du musicien préféré de la reine Marie-Antoinette. Tous offrent la gratuité le premier dimanche du mois. Il existe un City Pass, vendu à l’Office du Tourisme et également en ligne, qui donne accès, pour un prix forfaitaire de 12 € par individu, aux principaux musées de la ville durant deux jours. De même, il existe un Pass-Musées qui, pendant un an, permet de visiter six musées à prix bas pour une première visite à plein tarif dans l’un d’eux.

MUSÉE D’ANSEMBOURG / Féronstrée 114, 4000 Liège

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Porte d’entrée du musée d’Ansembourg, Liège ©BH

On aurait aimé vous faire découvrir cet hôtel particulier du XVIIIe siècle, « l’un des plus remarquables de Belgique », dont les intérieurs décorés et meublés évoquent l’ambiance d’une demeure aristocratique mais les photos y sont interdites sans qu’on sache bien pourquoi quand, au Grand Curtius, autre musée municipal, elles sont autorisées. Autre déconvenue, lors de notre visite, ce musée d’art ancien accueillait une exposition d’art contemporain, signalée par une affiche sur la porte d’entrée qu’on remarquait à peine : « Bazart Office - Foreign Affairs ». On s’est alors retrouvé dans la position très inconfortable d’un touriste lambda venu visiter un lieu qu’on ne reverra certainement jamais, attiré par ce qu’on en avait lu dans les guides, pour y découvrir autre chose (c’est bien là la seule restriction qu’on peut faire à ce genre d’initiative). D’autant qu’ici le concept de confrontation était poussé jusqu’à l’extrême, les oeuvres contemporaines étant dispersées partout dans les pièces sans qu’on puisse en faire abstraction, et jusqu’à l’absurde quand la petite pièce attenante à la cuisine entièrement décorée de carreaux en faïence de Delft, le clou de la visite nous avait-on dit, était totalement plongée dans le noir, pour accueillir une oeuvre contemporaine éclairée comme une veilleuse qui ne fonctionnait même pas.

MUSÉE DU GRAND CURTIUS / Féronstrée 136, 4000 Liège
Un splendide musée aux riches et diverses collections, presque trop puisqu’il rassemble en fait plusieurs ex-musées, d’Archéologie et d’Arts décoratifs, du Verre (dont un magnifique ensemble Art nouveau), d’Armes, d’Art religieux et d’Art mosan (l’art roman local)... Inauguré en mars 2009 après 15 ans de polémiques d’ordre patrimonial et un quadruplement de son coût initial (46,3M€), son architecture unifie, sans craindre la modernité, plusieurs bâtiments anciens avec en son coeur le Palais Curtius du nom latinisé de son propriétaire marchand qui le fit construire autour de 1600. Ainsi, les vides dans le bâti ancien, au lieu de faire l’objet de restitutions, ont été comblés par des modules vitrés résolument contemporains, ce qui permet, au cours de la visite, de découvrir les bâtiments sous plusieurs angles. L’effet est réussi. La très belle muséographie signée des deux bureaux d’architecture liégeois Hautecler et Huygen tire partie de ce labyrinthe de salles sur plusieurs niveaux sans cependant annuler l’impression parfois de s’y perdre. On commence mais on ne sait plus quand ça finit. Ce méga-musée mériterait plusieurs visites et de cibler ce qu’on veut y voir avant d’y venir.

Gratuit tous les premiers dimanches du mois, fermé le mardi et certains jours fériés, son billet d’entrée est à 9€ (5€ en réduction), il dispose d’une agréable librairie, d’un auditorium et d’une cafétéria et autres commodités.

GARE DE LIÈGE-GUILLEMINS / Place de Guillemins 2, 4000 Liège
En bonus - Oeuvre de l’architecte et artiste catalan Santiago Calatrava, cette gare TGV inaugurée en septembre 2009 après neuf d’années de travaux est à couper le souffle par le gigantisme de sa couverture pour une gare somme toute modeste puisque ne comprenant que cinq quais.

:: Bernard Hasquenoph |

:: Louvre pour tous | 22/02/2011 | 11:03 |

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NOTES

[1] « Pour juger les peintres, il faut attendre attendre deux siècles au moins » prétendait-il, ce en quoi il n’avait pas tout à fait tort.



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« La fonction du musée est de rendre bon, pas de rendre savant. » Serge Chaumier, Altermuséologie, éd. Hermann, 2018
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