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Bienvenue au Louvre, protecteur du patrimoine du Moyen-Orient

Johnny Maroun | 12/01/2016 | 12:01 | 2 commentaires


Dans un rapport remis à François Hollande en réponse au vandalisme de Daech, le président du Louvre énonce 50 propositions pour « protéger le patrimoine de l’humanité ». Johnny Maroun, étudiant libanais dont nous publions le texte ci-dessous, en rajoute cinq pour que les intentions généreuses de la France commencent par se concrétiser dans ce grand musée. Doctorant à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, sa thèse porte sur le rôle des musées universels dans la protection du patrimoine mondial en temps de conflit, et notamment en Syrie, Irak et Libye.

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De Palmyre, Louvre © Louvre pour tous

12.01.2016 | UNE SEMAINE APRÈS l’assassinat du directeur des Antiquités de Palmyre, Khaled Al Asaad, par des membres du groupe terroriste Daech le 25 août 2015, le président de la République française François Hollande a demandé au président-directeur du musée du Louvre Jean-Luc Martinez de mener une réflexion sur les moyens de protection du patrimoine mondial, notamment en zone de conflits. Cette demande vient en réponse aux actes de vandalisme souvent médiatisés commis par Daech et la destruction du temple Baalshamin, sans oublier la longue liste des monuments détruits et saccagés par ce même groupe.

Le 17 novembre 2015, Jean-Luc Martinez remet au Président de la République son rapport intitulé Cinquante propositions françaises pour protéger le patrimoine de l’humanité. Plusieurs experts, historiens, universitaires, diplomates, ont été auditionnés par le président-directeur du Louvre, ce qui s’est traduit par un grand nombre de propositions courageuses, même si l’on peut parfois s’interroger sur la pertinence de certaines.

Une des propositions les plus relayées par les médias, est « “l’hébergement” des œuvres d’art de pays en conflit le temps du conflit ». Les mesures annoncées par François Hollande lors de la 70e conférence générale de l’UNESCO, dont le droit d’asile des œuvres du patrimoine mondial, ont certainement contribué à la médiatisation de cette proposition. Cette mesure arrive en plein débat politique et socio-économique sur l’accueil des réfugiés et le droit d’asile des victimes de guerre, ce qui ajoute sans doute à l’ampleur de cette proposition.

« Alors la France accueillera des refuges pour que les biens culturels menacés puissent trouver, si je puis dire, un asile. Un asile pour les musées qui souhaiteraient, face au danger, mettre leurs collections à l’abri.
Le droit d’asile vaut pour les personnes, et nous devons d’ailleurs le garantir, même dans les circonstances douloureuses, éprouvantes que nous connaissons. Mais l’asile vaut également pour les œuvres, pour le patrimoine mondial. »
 [1]

Toutefois, l’ombre de la colonisation et la potentielle atteinte à la souveraineté des pays concernés peuvent remettre en question cette proposition, ainsi que son efficacité - outre médiatique - comme une réponse rapide et efficace aux défis auxquels font face ces pays. Pour la directrice des Programmes et des Partenariats de l’ICOM (Conseil International des Musées), France Desmarais, cette mesure est « une belle idée » mais qui doit être un dernier recours. « C’est lorsque les Etats auront tout fait pour aider les pays à protéger leur patrimoine culturel » [2].

Nous pouvons alors pertinemment nous demander si cette mesure est la plus appropriée à ce jour. Ainsi, les collections irakiennes ont été vandalisées, pillées, saccagées au moins à deux reprises suite à l’invasion américaine en 2003 puis depuis la montée du groupe terroriste Daech ; le patrimoine et les musées du Yémen subissent également de violents bombardements difficilement condamnables dès lors qu’ils sont causés par la coalition menée par l’Arabie Saoudite. D’autre part, les collections des musées syriens sont à 99% dans des lieux sécurisés selon le directeur général des Antiquités et des Musées de Syrie, Maamoun Abdulkarim [3]. Dans les trois cas cités, il nous semble que la proposition d’accueillir des œuvres « réfugiées » est inadéquate pour plusieurs raisons : soit parce qu’elle arrive trop tard, soit parce que nous pouvons estimer que le soutien nécessaire à la protection de ces œuvres n’a pas été fourni aux pays concernés avant de penser une « exfiltration » de ces œuvres.

La situation nous semble d’autant plus paradoxale, qu’à ce jour, plusieurs musées universels de par le monde occidental, et notamment le musée du Louvre à qui l’on doit les 50 propositions, sont riches de collections provenant des pays visés par ces propositions. Nous nous proposons par conséquent de réfléchir à cinq autres propositions qui s’ajoutent aux mesures annoncées par le Louvre et la présidence de la République, en partant des moyens et des ressources aujourd’hui disponibles pour le musée parisien.

PROPOSITION 1 - La protection du patrimoine du Moyen-Orient commence par la connaissance de la langue arabe.

Depuis juin 2014, le musée du Louvre mène de grands travaux de rénovation dans le hall Napoléon situé sous la pyramide, afin d’optimiser l’accueil et de rendre l’expérience des visiteurs plus agréable. Comme souvent dans les chantiers visibles par le grand public, les zones en travaux sont couvertes par un habillage publicitaire. Sur l’une d’elles, le musée du Louvre a choisi de souhaiter la bienvenue à ses visiteurs, et cela dans plusieurs langues.

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Habillage publicitaire, Hall Napoléon, Louvre, 01.2015 © Louvre pour tous

Il faut noter que le public arabophone est « e u n e v n e i b » [bienvenue écrit à l’envers.]. La langue française, écrite en alphabet latin, se lit de gauche à droite, alors que la langue arabe de droite à gauche. Nous pouvons comprendre l’erreur, dès lors qu’un logiciel chargé de la mise en page n’est pas programmé à prendre en compte les spécificités d’écriture de l’alphabet arabe comprenant le sens de lecture ainsi que la complexité de la règle, qui veut que certaines lettres soient attachées et d’autres détachées selon la nomenclature. Cela explique sans doute le fait que le mot pour souhaiter la bienvenue en arabe a été imprimé en sens inverse et en lettres détachées. De plus, le choix du mot pour la traduction manque de précision. Le mot tarh’iib signifie l’action d’accueillir quelqu’un, alors que le mot bienvenue se traduit par marhaban, une traduction qu’une simple recherche sur Google Translate aurait donné (même si la formule la plus adéquate aurait été ahlan wa sahlan). Ce qui est plus alarmant, c’est que cette faute n’a pas été repérée depuis l’installation de l’habillage il y a plusieurs mois.

Le Louvre emploie aujourd’hui plus de 2 000 personnes [4], et nous pouvons déplorer que cette faute puisse être restée non corrigée malgré les ressources humaines et techniques dont le Louvre dispose. Nous pensons que cela est inacceptable de la part d’un musée universel, fréquenté à 71% par des visiteurs étrangers parmi lesquels des publics arabophones [5].

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A g. Erreur sur la bâche du Louvre / A dr. Bienvenue en arabe © Johnny Maroun

Cela est d’autant plus flagrant que le Louvre abrite une vaste collection orientale et d’art de l’islam. Le message est par conséquent contradictoire avec l’ambition du Louvre de venir en aide aux cultures arabes car il reflète une incompétence linguistique certaine. Une rectification s’impose, de façon urgente.

PROPOSITION 2 - Mettre en valeur le statut exceptionnel des œuvres provenant des zones de conflits dans les collections du Louvre.

Maamoun Abdulkarim se présente souvent comme « le conservateur de musée le plus triste au monde » [6]. Il raconte que chaque matin lui ramène des nouvelles de destruction de son patrimoine dans les quatre coins de la Syrie. Les images de destruction des temples de Palmyre ainsi que celles des collections irakiennes sont choquantes. Nous aurions tort de considérer que ces œuvres sont saccagées uniquement pour la valeur morale de l’art, valeur que les terroristes combattent. En effet, le groupe Daech semble tout à fait conscient de la valeur marchande que représentent ces œuvres, ce qui explique la présence des œuvres pillées par ce même groupe terroriste sur le marché noir et la destruction de répliques (comme certaines statues en plâtre dans le musée de Mossoul) ou d’œuvres impossibles à écouler. Or, plusieurs musées universels, et notamment le Louvre, abritent dans leurs collections un très grand nombre d’objets provenant de Syrie et d’Irak, parfois de la même ère pré-islamique et islamique que le groupe terroriste Daech cible dans les zones de non-droit. Il suffit de suivre le parcours de ces collections au Louvre pour se demander pourquoi les musées qui abritent des œuvres issues de la même aire culturelle ne mettent pas davantage en valeur ces richesses qui peuvent être exposées en toute sécurité.

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A g. Oeuvre détruite à Mossoul © DR / A dr. Taureaux ailés de Khorsabad, Louvre © JM

La scène de destruction des taureaux ailés en Irak par les terroristes ne peut-elle pas constituer une raison pour inviter les visiteurs du Louvre à saisir la chance et pouvoir regarder autrement des œuvres comparables et parfois même identiques ? Ainsi, nous pouvons prendre l’exemple de l’œuvre d’Anish Kapoor - lâchement - vandalisée dans les jardins du château de Versailles en septembre 2015, vandalisme condamné par l’établissement, ainsi que d’autres du même sculpteur, pour nous demander si le Louvre ne devrait pas inclure dans sa médiation des collections moyen-orientales, la destruction des œuvres similaires en Syrie ou en Irak.

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Versailles, 01.11.2015. Photo Tomomi Sasaki / Flickr BY-NC-SA 2.0

Notre deuxième recommandation serait de placer quelques lignes explicatives près des objets parfois banalement présentés, pour que le public non averti prenne connaissance de la situation et que le public plus informé puisse apprécier la chance d’admirer ces « œuvres en voie de disparition ».

PROPOSITION 3 - Mettre en relief la richesse historique et culturelle de ces œuvres.

Lors de son passage dans les collections des antiquités orientales, le visiteur du Louvre a la chance de parcourir plusieurs époques et civilisations, et de découvrir de nombreuses expressions artistiques et plastiques orientales anciennes. A titre d’exemple, la stèle du Code de Hammurabi - dont le facsimilé a été témoin du pillage organisé en 2003 au Musée national d’Irak - est bien indiquée sur le parcours. La médiation l’accompagnant met en évidence sa valeur historique et culturelle. Cela n’est malheureusement pas le cas des autres pièces de la collection orientale du musée du Louvre. Ainsi, la salle 20, Aile Sackler, qui abrite les collections provenant de Palmyre et de Dura Europos est une salle qui demeure relativement peu visitée à coté des collections égyptiennes qui l’entourent. Cela est sans doute dû au manque d’explication concernant les pièces beaucoup moins connues du grand public que celles en provenance de l’Egypte ancienne. Nous ne pouvons pas reprocher aux visiteurs leur manque d’intérêt pour cette partie des collections. Toutefois, il nous semble nécessaire, à l’heure où la France et le Louvre en particulier se déclarent volontaires pour accueillir des œuvres réfugiées, que ses responsables redoublent d’effort pour valoriser ce qu’ils ont déjà dans leurs collections.

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A g. Texte introduisant les stèles funéraires de Palmyre / A dr. Salle 20, Louvre, Palmyre et Dura Europos © JM

Les quelques lignes qui présentent les dalles funéraires datant du Ie au IIIe siècle ap. J.-C. sont insuffisantes pour rendre compte des spécificités d’œuvres qui témoignent d’une histoire riche et que les terroristes tentent d’effacer avec violence. Le Louvre semble alors l’acteur le mieux placé pour valoriser cette histoire grâce à ses experts et à sa riche collection. Nous recommandons alors, pour faire face à la destruction de l’Histoire, de redoubler d’efforts pour transmettre cette culture dans les salles du Louvre.

PROPOSITION 4 - Inviter les visiteurs du Louvre à sortir des sentiers battus.

Ce n’est pas un secret, le parcours des visiteurs du Louvre est souvent tracé pour aller voir la Joconde, la Vénus de Milo ou encore la Victoire de Samothrace. D’ailleurs, le Louvre indique à ces visiteurs pressés le chemin le plus court pour accéder à ces œuvres.

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Fléchage vers la Vénus de Milo et la Joconde, Louvre © JM

En tant que musée universel, engagé dans la protection du patrimoine mondial, il nous semble intéressant que le Louvre puisse également indiquer à ses visiteurs certaines des œuvres « en voie de disparition » qu’il abrite à l’instar des Taureaux ailés ou de la collection issue des temples de Palmyre. Comme le dit l’adage, « charité bien ordonnée commence par soi-même ». Il nous semble en effet important, plutôt que de miser sur un discours d’intention, de commencer par rendre visible les collections actuellement abritées dans les collections du Louvre. Le musée parisien est pourtant habitué de tracer des parcours thématiques, historiques ou ludiques tel que celui autour du roman adapté au cinéma The Da Vinci Code. Nous proposons ainsi que le Louvre puisse construire un parcours thématique autour des œuvres aujourd’hui menacées au Moyen-Orient et qu’abrite le musée parisien.

PROPOSITION 5 - E-valorisation.

Dans son rapport d’activité de l’année 2014, le Louvre présente le nombre de visiteurs : 9,3 millions, un nombre en constante évolution ; le nombre de visites sur le site web du musée, 14,3 millions, et également le nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux, 2,6 millions. Depuis la publication du rapport du Président-Directeur du Louvre le 17 novembre 2015 jusqu’à ce jour, le compte officiel du musée sur Twitter @MuseeLouvre a tweeté autour de 600 fois, dont seulement 5 tweets portent sur le Rapport Martinez ou sur Palmyre, tous des retweet, ce qui veut dire non rédigés par le service de communication [7]. Ce chiffre est à mettre en écho avec le silence sur le sujet du British Museum et des deux tweets sur Palmyre du Metropolitain Museum of Art sur leurs comptes Twitter respectifs. Le manque de communication est également observé sur les pages Facebook de ces trois musées. Cela nous amène à penser que les musées universels qui abritent des objets moyen-orientaux, ne communiquent que lorsqu’un buzz médiatique l’impose.

Publier de nombreux tweets ou posts sur les thèmes de la destruction, des victimes de guerre ou de l’état des lieux des sites en danger ne fait pas partie, à proprement parler, de la ligne éditoriale d’un musée. Toutefois, un travail de médiation numérique, autour de sa propre collection, pourrait être plus constructif qu’un message de condamnation occasionnel suite à un acte de vandalisme.

Il serait erroné de penser que le musée du Louvre reste inactif face aux risques et aux défis auxquels le patrimoine de l’humanité est exposé. En effet, les cinquante propositions sont un bon exemple de réaction, tardive certes mais constructive. De même, le musée a consacré un dossier à ses collections provenant de Palmyre dans le numéro 33 de son magazine Grande Galerie, intitulé « Antiquités orientales, A la découverte de Palmyre ». Toutefois, l’urgence et l’ampleur de la situation nécessiteraient selon nous un engagement plus important de la part du Louvre, et une nécessaire médiatisation du sujet.

Si vous souhaitez contacter Johnny Maroun : johnny.maroun@gmail.com

:: Johnny Maroun | 12/01/2016 | 12:01 | 2 commentaires

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EN COMPLÉMENT


VOS COMMENTAIRES


24.02.2016 | Marie |

Si je partage l’avis exprimé plus haut par Museolepse, je trouve néanmoins regrettable, voire dommageable, d’avoir à taire ou à limiter l’exposition médiatique et la valorisation d’un patrimoine en danger pour ne pas risquer d’augmenter sa cote et son trafic. Je plaide aussi pour une dénonciation plus large, plus appuyée, une condamnation globalisée du trafic illicite, que toute forme de commerce d’antiquité encourage dans une certaine mesure.

Les réponses concrètes et concertées apportées actuellement par la communauté internationale à ce trafic sont, au mieux, anecdotiques. Pour une poignée de restitutions médiatisées (et encore), combien de cas qui impliquent des figures doubles, respectables sur la scène du monde de l’art, qui participent dans l’ombre à ces activités illicites, mortifères pour l’héritage culturel de pays déjà ravagé ?

Je pense qu’il serait souhaitable que tous les acteurs culturels, actifs sur les réseaux sociaux, bloggers, twittos et autres (dont on remercie l’engagement, par ailleurs) dénoncent systématiquement le trafic, au même titre - et donc plus fréquemment - que la destruction.

Mon avis (peut-être trop optimiste) est qu’une exposition médiatique, une sensibilisation accrue du fléau auprès du grand public développerait la conscience du problème et inciterait peut-être à mettre en place des réponses plus concrètes, plus efficaces et plus dissuasives au niveau des gouvernements et qui n’empêcherait plus la promotion légitime et à mon sens nécessaire, des patrimoines.


12.01.2016 | Museolepse |

Il est dommage de focaliser sur les destructions (dramatiques il est vrai), qui sont l’arbre qui cache la forêt. Le patrimoine archéologique du Proche et du Moyen-Orient antiques est surtout victime d’un pillage à grande échelle dont on parle beaucoup moins. Les destructions sont spectaculaires, et destinées à l’être : elles ont fait l’objet de vidéos de propagande par Daech, relayées d’ailleurs sans grille de lecture par les médias occidentaux à un public non informé. Néanmoins il ne faut pas qu’elles occultent cette question du pillage, lequel est bien plus répandu : on ne peut pas privilégier une action ciblant des faits médiatisés au détriment d’un fait plus global et plus sournois encore (détaillé p.11 et p.37 du fameux rapport sur les 50 propositions).

C’est en effet au bulldozer que des équipes de dizaines et dizaines de pilleurs viennent s’attaquer aux sites archéologiques d’Irak et de Syrie, arrachant à la terre sans doute des centaines d’objets extrêmement précieux (ne parlons même pas de la méthodologie archéologique ici...), autant d’objets qui quittent le territoire et dont les informations sont désormais perdues. Ainsi que le disait M. Maamoun Abdulkarim, directeur des antiquités de Syrie que vous citez par ailleurs, dans une communication à l’ENS en novembre dernier, un monument détruit peut être restauré, mais un objet pillé est perdu à jamais.

Votre souhait d’informer davantage sur les destructions est tout à fait louable (je le partage dans une certaine mesure), mais il semble occulter le reste du problème. Or, informer sur les destructions de ce patrimoine archéologique entraîne fatalement une augmentation de la publicité de ce patrimoine, de sa légitimité et de sa reconnaissance auprès du public. Ce qui est formidable... lorsque tout le monde est doté de bonnes intentions. Car la conséquence est que leur valeur économique augmente également. N’oublions pas que la clientèle du trafic illicite d’œuvres d’art, issues du pillage, se trouve pour bonne partie en Occident et qu’un musée mettant en avant un patrimoine extrêmement fragile comme celui-ci, endosse aussi la responsabilité de faire sa publicité auprès des clients de ce marché noir. Surtout lorsqu’il s’agit d’un musée aussi visité que le Louvre. Citons ici Daniel Buren, « [Le musée] donne à ce qu’il expose une valeur marchande en le privilégiant/sélectionnant. En la conservant ou la sortant (hors) du commun, il effectue la promotion sociale de l’œuvre. Il en assure la diffusion et la consommation. » (Fonctions du musée)

Le Louvre a sans doute un rôle à jouer (qu’il joue très certainement déjà même si cela n’est pas crié sur tous les toits), mais il doit aussi éviter les « bourdes » qui peuvent conduire à encourager un certain marché, alors que le musée est lui-même un acteur important de la reconnaissance artistique et donc économique des œuvres. J’imagine (ou j’ose espérer) qu’il y a eu des débats en interne pour savoir si, oui ou non, il fallait communiquer davantage sur ces événements en regard de cette épineuse question. Nul doute que prendre des décisions dans le contexte où nous nous trouvons est très compliqué et que le musée marche sur des œufs.

Cela dit j’ai trouvé que ce rapport arrivait bien tard (déclenché par les destructions), alors que le pillage lui est bien connu et dure depuis bien plus longtemps. Mon commentaire ne fait qu’inviter à la nuance et au recul sur la situation, mais globalement je suis bien d’accord avec vous sur le fond (particulièrement sur l’ « hébergement » des œuvres d’art et le ton parfois paternaliste de la présentation de ce document), et le travail que vous avez effectué pour rédiger cet article vous honore. Au passage, j’ignorais l’histoire du mot « bienvenue » soi-disant en arabe sur le panneau du hall : c’est à la fois ridicule et vraiment surprenant de la part de ce grand musée et j’espère bien que cela sera corrigé (ne pas hésiter à formuler un signalement écrit à la borne de l’accueil, le musée envoie toujours une réponse).


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NOTES

[1] UNESCO, 17.11.2015.

[2] RFI, 08.12.2015.

[3] FRANCE INTER, 11.11.2015.

[4] Rapport d’activités 2014 du musée du Louvre.

[5] Ibid. Note de Louvre pour tous : Dans sa partie concernant l’origine géographique des visiteurs, les rapports d’activités du Louvre n’indiquent aucune donnée concernant les publics arabophones. Le musée met néanmoins à disposition des visiteurs un plan d’orientation en langue arabe.

[6] www.francesyrie.org.

[7] Le Louvre compte à ce jour sur Twitter plus de 665 000 abonnés.



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