03.01.10 | NE CRAIGNONS PAS L’AUTOSATISFACTION, les vapeurs des fêtes ne sont pas encore dissoutes. Merci qui ? Merci Louvre pour tous. Et bien entendu toutes les personnes qui agissent dans notre sillage. Le Domaine national de Versailles applique, à partir du 1er janvier 2010, une nouvelle grille tarifaire qui réserve quelques surprises. Et si elle ne nous convient pas complètement, nous y notons des avancées de taille, qui vont, selon nous, dans le bon sens. Même si, derrière ce qui apparaît comme plus de démocratisation culturelle, se cachent sans doute des arguties juridiques moins honorables et des augmentations pas vraiment sympathiques. Mais il faut savoir applaudir ce qui doit l’être.
PLUS DE GRATUITÉ... POUR LES MÊMES
Grands profiteurs des nouvelles mesures mises en place par l’administration Aillagon, les publics bénéficiant déjà de la gratuité d’accès au circuit général du Château et des Trianons. Ceux-ci peuvent désormais retirer gratuitement l’audioguide contre 6€ auparavant. De même, la grande exposition temporaire, actuellement Louis XIV, leur est également rendue d’accès libre contre, auparavant, la location imposée d’un audioguide à 7€. On n’aura jamais vu une exposition en cours changer de mesure tarifaire sans prévenir - Qu’en pense la DGCCRF ? Ah oui, rien - mais, en ce sens, personne ne viendra s’en plaindre. A part les personnes qui si elles l’avaient su, auraient peut-être retardé leur visite.
Nous nous réjouissons évidemment pour tous ces publics (dont nous sommes [1]) pour qui l’exonération n’est pas un privilège mais un réel outil de démocratisation. Tant mieux donc pour les jeunes de moins de 26 ans résidents de l’Union européenne, les enseignants de l’Education Nationale, les personnes handicapées, les demandeurs d’emploi, etc.
Reste à mettre à jour, sur le site Internet du Château, le tableau des gratuités et tarifs réduits encore sous la précédente formule [corrigé le 04.01.10 bien que le nouveau document ne soit pas très clair sur les bénéficiaires de ces nouvelles gratuités]. Mais, à deux reprises, par téléphone, on nous a confirmé que ces mesures s’appliquaient bien à tous les bénéficiaires de gratuité.
BARBOUILLAGE ET AUGMENTATIONS
Mais il ne faut pas être dupe. Par ces mesures les plus économiquement supportables pour les finances du Château, sa direction ne chercherait-elle pas avant tout à éliminer toute preuve flagrante de vente subordonnée condamnée par l’article L 122-1 du Code de la consommation [2] et qui, néanmoins, demeure, selon nous, pour le plus grand nombre ? Ainsi l’audioguide à 6€ reste obligatoire pour les visiteurs payeurs qui restent la grande majorité, 73% des publics en 2008 [3]. En rendant gratuit l’appareil audio pour les publics exonérés, ce service disjoint de la visite - puisque facultatif pour eux - l’apparaît moins puisque sans prix.
Idem pour l’impossibilité pour les visiteurs payeurs de ne payer que pour la grande exposition comme c’était le cas encore il y a peu à Versailles. En les rendant également gratuits pour les publics exonérés, les deux espaces de visite et d’exposition semblent se fondre alors qu’ils sont toujours tout à fait distincts et gérables séparément ce qui vient confirmer notre soupçon d’illégalité de la pratique commerciale cumulée. Mais tout cela est finement pensé et répond presque point par point à notre contre-argumentaire face à la non-enquête de la DGCCRF. La pratique contestable demeure mais les preuves les plus voyantes disparaissent... Bien joué.
Enfin, il faut noter, sans doute comme mesure compensatoire, l’augmentation, à partir de 15h, du tarif réduit pour tous du billet unique Château + Exposition : 10€ en 2008, 11,50€ en 2009, il passe à 13€ en 2010 ! Nous persistons donc à juger le prix de visite du Château à 15€ toujours extrêmement cher, son tarif réduit ne l’étant plus que par le nom. De même la formule Passeport passe, à compter du 1er janvier 2010, à 18€ alors qu’elle aurait du rester à 16€ durant la basse saison qui se clôt seulement fin mars. Même chose pour le Domaine de Marie-Antoinette qui devance la haute saison en sautant déjà de 6 à 10€. En réalité, les augmentations pleuvent.
VERSAILLES GRATUIT POUR TOUS
Mais la mesure la plus spectaculaire reste la mise en gratuité pour tous de l’ensemble du domaine de Versailles : Château, expositions comprises, et Domaine de Marie-Antoinette... cinq jours dans l’année. Contre zéro auparavant donc c’est un bon début.
Nous n’avions cessé de dénoncer la situation versaillaise qui dérogeait à la mesure de gratuité totale, pour le premier dimanche de chaque mois dans tous les musées nationaux, instaurée en 2000 par Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture. La mesure, suivant l’exemple du Louvre, visait à élargir l’accès de tous à la culture et prolongeait la même gratuité appliquée, depuis octobre 1999, dans les cent monuments nationaux. Le Château de Versailles comptait bien alors dans la liste. Mais, rapidement, dès 2001, le Centre des monuments nationaux réussissait à obtenir une dérogation pour 27 de ses établissements à forte fréquentation touristique, dont Versailles tandis que, dans les autres monuments nationaux, cette gratuité d’un jour fut réduite à la période d’octobre à mars [4].
Sous notre pression et suite aux nombreuses plaintes contre les restrictions de gratuités à Versailles, notamment des jardins de Trianon, l’établissement établit la gratuité pour tous du Domaine de Marie-Antoinette le premier dimanche du mois à compter de novembre 2009, ce qui ne faisait que rétablir, pour les jardins, une situation qui avait cours tous les jours avant la création en 2006 de cet espace commercial.
Puis, sur sa lancée, le Château de Versailles étendit la gratuité pour tous du premier dimanche du mois, de novembre à février, aux Appartements du Dauphin, de la Dauphine, aux Appartements de Mesdames, à la Salle du sacre, Galerie des Batailles, et Salle 1830.
Mais le coeur du Château, Grands appartements et Galerie des Glaces, n’était toujours pas accessible ce jour-là sans payer. C’est la mesure que vient d’appliquer l’établissement pour le premier dimanche des mois de janvier, février, mars puis novembre et décembre 2010 [5]. Ce dont nous nous réjouissons bien évidemment. En espérant que le personnel sera en nombre suffisant pour gérer cette situation nouvelle, les audioguides n’étant pas, à priori, distribués ce jour-là pour gérer au mieux la foule, ce qu’on comprend parfaitement bien, preuve qu’ils ne sont pas si indispensables à la visite...
Reste à donner publicité à la mesure populaire qui sinon restera lettre morte. Visiblement, pour cette première édition, le Château a déjà opté pour l’immobilisme. Peut-être par peur d’un raz-de-marée... ou, avec notre mauvais esprit coutumier, par absence totale de conviction. Pour ce premier dimanche de gratuité totale, pas de communiqué de presse. Aucune mise en avant sur son site Internet. Il faut chercher l’info à la page « Gratuité et réductions », sous-page de « Billets et Tarifs ». Sur la réservation en ligne, aucune mention de cette gratuité d’un jour sinon aux dates concernées... un blanc. Rien non plus sur la page Facebook du Château de Versailles [6]. A quoi sert donc Internet ?
[1] C’est l’occasion de répéter ici que nous nous battons pas tant pour nous qui bénéficions, à titre personnel, de la gratuité dans les musées et monuments nationaux que pour la majorité qui n’a pas la chance d’en profiter et d’en voir son rapport à la visite libérer.
[2] « Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit. » Article L122-1 du Code de la Consommation.
[3] 3 552 953 visiteurs du Château (hors Trianons) dont 2 796 654 entrées payantes et 756 299 entrées gratuites / Rapport d’activité 2008 Château de Versailles.
[4] « Les tarifs de la culture » sous la direction de François Rouet, MINISTÈRE DE LA CULTURE / LA DOCUMENTATION FRANçAISE | 2002.
[5] Sont donc déjà concernés les dimanches 3 janvier, 7 février, 7 mars...
[6] Pour notre part, dès que nous avons appris la nouvelle (par des salariés du Château bien intentionnés), nous avons fait tourner l’info sur nos réseaux Facebook et Twitter.