01.12.09 | À LA RÉPRESSION DES FRAUDES (DGCCRF), il y en a au moins un qui ne chôme pas, c’est son numéro deux, Alain Gras. Pas comme ces grévistes qui ont paralysé hier l’institution pour protester contre la menace de suppressions de postes et la restructuration de leurs services qui, selon eux, aboutira à une moins grande efficacité, au détriment des consommateurs. Un peu comme dans les musées. Scénario catastrophe corroboré par l’organisation UFC QUE CHOISIR qui, dès janvier, tirait la sonnette d’alarme, parlant pas moins de « chronique d’une mort annoncée ». Pas vraiment rassurant.
Mais il y a une entreprise qui n’a, d’ores et déjà, rien à craindre des enquêtes suspicieuses de la Répression des fraudes, c’est l’établissement public du Château de Versailles qui fait figure d’intouchable.
Cependant, s’il ne chôme pas, on ne peut pas vraiment dire non plus que le sous-directeur de la DGCCRF se foule beaucoup. Car un copier coller suffit. Après la réponse qu’il nous a adressé le 9 novembre, enterrant notre plainte au sujet de pratiques commerciales anormales sur lesquelles nous avions enquêté plusieurs mois au domaine de Versailles, il adresse quasi la même lettre au Syndicat National des Professions du Tourisme CFE-CGC pour répondre à la question du petit train doublement payant pendant la période des Grandes Eaux Musicales [1] : 8€ pour entrer dans les Jardins puis 6€ pour prendre le petit train jusqu’aux Trianons et revenir. 14€ pour un simple aller retour dans un domaine public, pas mal ! Une situation récente puisque les années précédentes, il était tout à fait possible d’y accéder librement.
Rappelons tout de même que l’usage du petit train est censé faciliter le déplacement dans le domaine de Versailles des personnes handicapées qui bénéficient d’une réduction sur ce transport (4,50€) mais pas de gratuité pour l’entrée des Jardins lors des Grandes Eaux, seulement d’une réduction de 6€. Le transport en petit train leur revient donc à 10,50€ !
Mais pour Alain Gras, en l’espèce, payer doublement pour un service ne pose aucun problème. C’est ce qu’il écrit à Christian Sterkers, vice-président du syndicat, qui avait attendu quatre mois pour que la direction du Château daigne enfin lui répondre et qui, lassé, avait fini entre temps par saisir la Répression des fraudes. Non, le numéro 2 de la DGCCRF ne voit, dans cette curieuse situation versaillaise, aucune contradiction avec l’article L122-1 du Code de la Consommation : « Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit. »
On l’a compris, comme pour la réponse qu’il nous a concocté, tout est dans l’exception. Cela tient en trois lignes. La DGCCRF écrit au syndicat : « Au cas particulier que vous exposez toutefois, le fait même que l’accès aux restaurants du parc et aux Trianons par le petit train se déroule dans le cadre des jours des Grandes Eaux dont l’accès est payant, rend difficilement séparable les deux prestations ». Point. Aucun examen de la situation in concreto comme il est précisé pourtant doctement et surtout, aucune interrogation sur le fait qu’il était matériellement possible encore l’année dernière d’accéder au petit train sans avoir à payer pour entrer dans les Jardins. Comment cela était-il possible puisque d’après notre serviteur de l’Etat les deux prestations sont difficilement séparables ?!
Comme pour le billet combiné Château Audioguide Expo, il s’agit en fait d’une décision unilatérale de la direction du Château, non pas imposé par la configuration des lieux mais juste par son bon vouloir [2]. Comme au temps de Louis XIV, les Finances s’inclinent. A Versailles, l’Ancien Régime n’est toujours pas aboli.
[1] Période des Grandes Eaux : les week-ends et certains mardis, soit un total d’environ quatre-vingt jours dans l’année.
[2] Ces changements résultent de la mise sous douane, en 2008, de la cour Royale suite à la « restitution » de la grille, le passage en bois du Nord étant depuis fermé (comme celui du Sud). Il n’est plus alors possible de rejoindre directement le départ du train Terrasse Nord. Encore moins, depuis que la zone du Bassin de Neptune a été intégrée à la zone payante des Jardins durant les Grandes Eaux. En clair, la direction de Versailles a organisé l’inaccessibilité au petit train sans avoir à payer pour les Jardins.