
Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris l 22 octobre 2025 - 29 mars 2026
Ne vous attendez pas à une exposition comme la Cité en propose en sous-sol, il s’agit plutôt d’un accrochage se résumant à une (grande) salle au bout de la galerie d’architecture moderne et contemporaine au niveau 2. Déception qu’un établissement public dédié à cet art majeur consacre si peu d’espace à « un événement emblématique qui a marqué l’histoire de l’architecture » dixit sa présentation, à savoir l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris dont on fête cette année le centenaire. Maigre hommage.
L’expo survole donc la manifestation, en commençant par ses prémices, sa date toujours reculée, les hésitations quant à son emplacement. On pensera même aux jardins du château de Versailles ( !) avant de préférer un site dans Paris, pas très grand, entre le Grand Palais et les Invalides. Quand le chantier démarre, réaction que l’on connaît bien, « la modernité de nombreux pavillons qui s’élèvent en plein cœur historique de Paris contraste si fortement avec l’architecture environnante qu’elle alimente de véhéments débats ». Une obligation du règlement qui exclut « copies, imitations et contrefaçons de styles anciens ».

Des presque 150 pavillons, l’expo n’en a sélectionné par force que très peu, ainsi qu’une poignée d’architectes qui font mentir son titre puisque plusieurs ne sont pas rattachés à la mouvance Art déco, à commencer par Le Corbusier. Confusionnisme gênant, alors qu’elle aurait pu servir à montrer comment deux courants coexistaient, l’un allant supplanter l’autre. Outre des maquettes physiques, des pavillons ont fait l’objet de restitutions 3D, très éclairantes. Reste la frustration de ne rien voir du Village français, ni des pavillons étrangers, pas même celui si célèbre de l’URSS.

En revanche, outre une évocation de la place du vitrail, l’expo s’attarde sur un domaine rarement abordé, les jardins qui bénéficient pour la première fois d’une section dans ce type d’événement. On découvre les trois tendances d’alors : néoclassique, méditerranéenne et moderne, résolument avec le jardin cubiste de Robert Mallet-Stevens et ses arbres en ciment armé des frères Martel ! Prenons cette exposition comme une introduction au sujet, qui donne envie d’en savoir plus ◆

Musée des Arts décoratifs, Paris l 22 octobre 2025 - 26 avril 2026
C’est comme qui dirait l’expo officielle du centenaire de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 que l’on associe au triomphe de l’Art déco. D’autant que l’institution mère du musée, l’Union centrale des Arts décoratifs, y est intimement liée pour l’avoir tant réclamée, et au style lui-même pour avoir imposé son nom avec l’expo « Les Années 25 » en 1966. Et dans ses collections, elle en possède tant de trésors !
Personne, à l’époque de son émergence dans les années 1910, ne s’est revendiqué de ce nom. L’Art déco correspond à une folle envie de nouveauté qui prend tout son sens après le carnage de 14-18 et s’incarne autant dans l’architecture, le mobilier que dans les arts décoratifs. Avec ses millions de morts, on enterre la Belle Époque, autre formule née bien après, on tourne le dos aux circonvolutions de l’Art nouveau, toujours existant mais passé de mode, et au style néo-Louis 16 trop passéiste.

Influencé par le cubisme et le fauvisme, la modernité de l’Art déco s’exprime par une simplification des formes, une recherche de l’épure et de la géométrisation, des aplats de couleurs et un goût pour les matériaux précieux et exotiques, écho à l’ère coloniale.

L’expo, qui commence curieusement au 2e étage, se trouvant encyclopédique - plus de 1200 œuvres ! - sera jugée riche ou indigeste. Mais il y a de si belles choses - meubles, céramiques, ferronnerie, bijoux, affiches, robes… - et l’on (re)découvre tant de créateurs et créatrices !

Hélas, sans parti pris, ni choix scénographique, on passe d’accumulations à des reconstitutions, de salles thématiques à des period rooms, le tout dans une déambulation sinueuse puisque l’on monte, va et vient, pour redescendre dans la nef, où nous attend comme une autre expo, uniquement sur l’Orient Express, l’historique et le revisité. Si le nouveau train est digne d’intérêt et son décor absolument somptueux, cela tourne cependant à l’opération promotionnelle comme je l’ai expliqué dans cet article :Mécénat ? Des expositions brouillent les pistes.
La nef n’aurait-elle pas été mieux occupée par un rappel de l’Exposition de 1925 qu’on est censée célébrer ? On y aurait bien vu évoqués quelques pavillons, façades ou intérieurs reconstitués, ou, par exemple, exposé l’arbre cubiste des frères Martel dont il existe une réplique grandeur nature devant le musée des Années 30 à Boulogne-Billancourt, l’exposition n’en présentant qu’une petite maquette. Le sponsor est mieux traité que l’expo elle-même. Dommage ◆

Musée des Arts décorarifs, Paris l 25 juin 2025 - 11 janvier 2026
C’est fou, l’aventure mode de Paul Poiret (1879-1944) n’aura duré qu’environ 25 ans, mais son aura reste immense. Ce que l’on (re)découvre avec cette expo, c’est à quel point son activité aura été protéiforme, débordant largement le champs de la Couture pour explorer toute la planète Culture : décoration intérieure, parfum, événementiel (avec ses fêtes costumées), peinture, scène, écriture, gastronomie… Une gourmandise d’activités qui le mènera à la ruine.
Sa maison, il la crée en 1903 après être passé chez Doucet et Worth, propulsant la silhouette féminine dans la modernité, plus épurée, la parant de couleurs fortes d’inspiration fauviste et la libérant du corset. Il collabore avec des artistes comme Raoul Dufy pour des motifs imprimés et Maurice de Vlaminck pour des boutons, avec des illustrateurs, Paul Iribe et Georges Lepape, qui imaginent des publicités et des albums somptueux qu’il envoie à ses clientes fortunées, générant une esthétique nouvelle.

Ses voyages d’inspiration le conduisent à s’approprier un peu du Maghreb et de l’Espagne, inspiration qu’il nourrit aussi du choc des Ballets russes. Le vestiaire oriental est réinterprété, le sarouel devient jupe-culotte. Il emmène en tournée promotionnelle ses mannequins en Europe jusqu’en Russie, se rend aux Etats-Unis qui le sacre « King of Fashion ». Il crée des costumes pour le théâtre (les comédiennes portant ses tenues à la ville comme à la scène) et le cinéma. Il brille partout.

Paradoxe, c’est l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925 - qui donne son nom au mouvement Art déco, dont on célèbre cette année le centenaire, et qu’il incarne parfaitement - qui plombe ses finances. Pour promouvoir ses créations, il loue trois péniches en bord de Seine qu’il décore mais elles n’attirent pas comme prévu. En 1930, il publie ses mémoires et se retire dans sa maison des Yvelines conçue par Mallet-Stevens et jamais terminée faute d’argent. Son héritage perdure, ses inspirations et son attitude de créateur aussi, ce que la fin de l’expo montre jusqu’à plus soif… ◆

Musée des Beaux-Arts, Nancy l 5 novembre 2025 - 1er mars 2026
Du pavillon de la ville de Nancy et de l’Est de la France à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes à Paris en 1925, n’a survécu que la frise de panneaux réalisée par le peintre Victor Prouvé, co-fondateur de la célèbre École de Nancy associée à l’Art nouveau et père de Jean, auteur, lui, des portes en fer forgé. Illustrant les industries pour beaucoup créatives qui firent la gloire de la Lorraine au-delà de la métallurgie, la frise montre que l’artiste déjà âgé avait su faire évoluer son style, à l’instar du célèbre vitrailliste Jacques Gruber aussi présent, capable selon sa clientèle, de jongler avec les modes.
C’est tout l’intérêt de cette exposition, labellisée d’intérêt national, montrer comment durant l’entre-deux-guerres, cohabitèrent différentes réalités artistiques, l’étiquette Art déco n’ayant été attribuée que bien plus tard. Être moderne, tel était le mot d’ordre de l’événement parisien mais pour les entreprises d’art nancéiennes - les Gallé, Daum, Majorelle, Baccarat, Heymann… -, cette évidence avait toujours été au cœur de leur démarche créative. Vouloir donner un cadre de vie agréable à leurs contemporains en conciliant art et industrie - une spécificité régionale -, les obligeait à renouveler constamment leur inspiration.

La diffusion de cette production foisonnante en verrerie, céramique, bijoux, mobilier, broderie etc, destinée autant à une élite qu’à un large public, se partageait entre salons d’art et grands magasins. Le nancéien Eugène Corbin, propriétaire des Magasins Réunis, était leur meilleur allié, comme collectionneur, mécène et vendeur.

Dans l’édifice qu’il fit reconstruire dans un style Art déco (actuel Printemps), comme dans ses succursales jusqu’à Paris, un espace leur était réservé. C’est lui, d’ailleurs, qui racheta la frise de panneaux de Victor Prouvé qu’il exposa dans son magasin. Etonnament réalisés sur du linoléum, au revers de ce revêtement de sol, ils ont été patiemment restaurés par Chloé Sarazin pour l’exposition actuelle.

La modernité Art déco, démocratisée, entra ainsi dans les foyers et les institutions. Aucun domaine n’y échappa, des jouets aux voitures, du papier peint à l’éclairage, des ensembles mobiliers aux affiches, jusqu’aux objets liturgiques. Nancy la créative ne pouvait passer à côté ◆

Musée La Piscine, Roubaix l 11 octobre 2025 - 11 janvier 2026
Le temple populaire Art déco qu’est la piscine de Roubaix inaugurée en 1932, devenue musée en 2001 en valorisant cette architecture d’exception, exhume une artiste active durant cette période, Odette Pauvert (1903-1966), sans lien avec la région. En revanche, son œuvre s’accorde avec le positionnement original du musée, à rebours des modernités qui font l’histoire de l’art aux tournants des 19 et 20e siècles.
Odette Pauvert naît dans une famille d’artistes vivant à Montparnasse (Paris) avec des attaches en Bretagne, père copiste, mère miniaturiste. Autant dire qu’avec sa sœur aussi peintre, elle baigne dans l’art. Odette entre aux Beaux-Arts de Paris en 1921. Si l’on savait que les filles n’avaient pu y accéder qu’en 1897, on ignorait que les cours n’y étaient pas encore mixtes. Un seul leur était destiné. Ce n’est qu’à partir de 1923 qu’ils le deviendront peu à peu.

Odette remporte de nombreuses médailles comme élève et au très académique Salon des Artistes Français où elle expose déjà. Elle excelle en nus masculins, pratique longtemps inaccessible aux femmes, indispensable pour prétendre concourir au prix de Rome, la distinction ultime qu’elle remporte en 1925 à 22 ans avec la Légende de saint Ronan. Elle devient ainsi la première femme peintre lauréate depuis qu’elles sont autorisées à s’y présenter en 1903. La presse salue une « victoire féministe », ce qui ne l’émeut guère.

Vont suivre plus de 3 années d’un séjour de rêve à Rome comme pensionnaire à la Villa Médicis où elle approfondit son art, influencé par le Quattrocento, alliant passé et présent. A son retour, elle continue d’exposer, réalise des fresques pour une église et des écoles, séjourne en Espagne. Mais la guerre, l’éducation de ses trois enfants, la poursuite d’une peinture réaliste l’éloigne peu à peu de la notoriété. Elle se replie sur sa vie familiale, seul sujet qui l’inspire encore. Reste de très beaux (auto)portraits. Son parcours est riche d’enseignement sur la condition d’une femme artiste durant la première moitié du 20e siècle ◆

Musée La Piscine, Roubaix l 11 octobre 2025 - 15 février 2026
Le musée La Piscine profite du centenaire de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, pour extraire de ses réserves une sélection de sa riche collection textile datant de ces années, pour beaucoup provenant des nombreuses manufactures alors florissantes de la région, comme Craye.
Dans les anciennes cabines, sont présentés coupons imprimés pour la confection ou l’ameublement rivalisant de motifs géométriques ou floraux très en vogue à l’époque (certains, chatoyants, signés Jacques-Emile Ruhlmann) - de quoi réaliser soi-même ses tenues à partir des patrons fournis par des titres de presse comme Le Petit Echo de la Mode -, des livres d’échantillons multicolores pour cravates ou rubans, et des vêtements : robes, manteaux, capes, smoking, déshabillés, dessous, maillots de bain… Le tout, non loin de portraits d’élégant·es par Braïtou-Sala ou Gustave Louis Jaulmes.

Parmi ce vestiaire libérateur pour les femmes (au gram dam du pape Pie 11 qui condamna le raccourcissemant de l’habillement !) : un manteau d’intérieur arabisant inspiré de l’Alhambra par Mariano Fortuny, une robe de cocktail par Jean Patou, une robe de plage par les soeurs Callot ◆
« L’Art déco des régions. Modernités méconnues », Musée de Valence, art et archéologie > 11.01.2026
« Les Ateliers d’art des grands magasins : vitrines de l’Art déco », Bibliothèque Forney, Paris > 28.02.2026
« Faire Moderne ! 1925, Limoges Art Déco », Musée des Beaux-Arts de Limoges > 09.03.2026
« Zadkine Art déco », Musée Zadkine, Paris > 12.04.2026
