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Le musée Henner à l’ombre des jeunes filles en fleurs

Louvre pour tous |

Bernard Hasquenoph | 6/04/2010 | 09:34 |


Le temps d’une soirée, l’hôtel-particulier de l’avenue de Villiers a retrouvé le parfum des mondanités d’autrefois. Avant que la recréation du jardin d’hiver ne les ouvre à tous

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© Bernard Hasquenoph

06.04.10 | L’AUTRE SOIR, ambiance presque proustienne au musée national Jean-Jacques Henner, dans le XVIIe arrondissement de Paris, à l’occasion de la soirée web organisée par Diane Drubay de Buzzeum qui gère pour le musée ses Net-extensions.

Installé dans un hôtel particulier-atelier ayant appartenu au peintre Guillaume Dubufe (1853-1909), connaissance de Jean-Jacques Henner (1829-1905), le musée abrite l’oeuvre picturale de ce dernier, artiste d’origine alsacienne qui connut une grande notoriété au XIXe siècle tout en restant à l’écart des mouvements artistiques de son temps, notamment de l’Impressionnisme. Parallèlement à une production officielle - le portrait patriotique « L’Alsace, elle attend » d’après la défaite de 1870 a fait sa gloire -, il développa une oeuvre très personnelle peuplée à l’envi de jeunes femmes rousses, souvent nues, et vaporeuses. Sujet d’étude pour psychanalyste, les hommes sans être absents de son oeuvre, quand ils sont tout aussi nus, sont en revanche morts (le Christ, le jeune Bara) ou martyrisés (son magnifique Saint-Sébastien) comme le fit remarquer notre conférencière, Claire Bessède, conservatrice au musée et grande spécialiste de Henner. Toujours est-il que la nudité sous la palette de Henner, qu’elle soit féminine ou masculine, est toujours fortement érotisée et troublante.

Aussi, dans ce temple de la féminité, Diane Drubay avait subtilement dosé ses invitations entre d’une part des blogueurs muséaux et chroniqueurs culturels : Mériam Bensassi de Museonet2.0, Guillaume Ansanay-Alex de Carpewebem, Benoît de Sagazan de Patrimoine en blog, Eric Tenin de l’anglophone Paris Daily Photo et nous-même ; et d’autre part des blogueurs mode, en l’occurence 100% blogueuses. Jean-Jacques Henner, lui qui avait pour habitude de nommer ses modèles par la couleur de leurs cheveux, dut frétiller dans sa tombe devant cette assistance hyper-lookée, griffée en diable, Diane étant elle-même très dans le fashion ton. C’était à celle qui aurait les talons les plus hauts, plateformes qui firent l’admiration de Marie-Hélène Lavallée, conservatrice en chef du patrimoine et directrice du musée, et du photographe Andy Julia qui shoota à tout va. Un essaim de ravissantes jeunes femmes aux signatures de blogueuses plus romanesques les unes que les autres. Parmi lesquelles Miss Woody, Stella Polaris, Eva May Chan, Éléonore Bridge anciennement dite La méchante, la styliste Alix Bancourt et la web-égérie Louise Ebel alias Miss Pandora.

LOUISE EBEL, LA WEB-ÉGÉRIE DES MUSÉES
Cette dernière, sans faire offense aux autres, est un cas à part pour, à juste 21 ans, jouir d’une notoriété incroyable sur le Net et au-delà. Tapez son nom dans Google et vous verrez. Inspiratrice et muse, on lui dédie dessins et croquis la représentant, et rançon de sa surexposition sur le web parfois aussi beaucoup de méchancetés. Au point, consécration suprême, d’être l’objet de parodie comme récemment sur le blog pour le coup très drôle Le petit écho malade.

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Miss Pandora et ses amies © Bernard Hasquenoph

Il faut dire que la jeune fille qui cache une vue défaillante sous d’épaisses lunettes devenues comme un emblème, a su se créer un personnage original pour mieux masquer sa timidité. Mettant soigneusement en scène son image et ses apparitions comme ce soir-là, elle compose son habillement en fonction des circonstances avec énormément de grâce et de caractère. Arty girl parisienne comme la presse a pu la qualifier, ses tenues au style préraphaélite passé à l’essoreuse rock’n roll très seventies sont souvent référencées historiquement puisque cette passionnée de mode - qui a de qui tenir puisqu’elle est la fille de Sylvie Ebel, directrice adjointe de l’Institut Français de la Mode (IFM) fondé par Pierre Bergé - est étudiante en histoire de l’art, et en anthropologie sociale et culturelle à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) où elle prépare un mémoire sur le corps contraint de la femme au XIXè siècle.

La nymphette à la tête bien pleine aime confectionner des couronnes de fleurs artificielles à la Waterhouse qu’elle pose sur sa chevelure teintée roux et ondulée au fer. À la manière d’une Castiglione moderne, elle organise ses propres séances photo avec la complicité d’amies s’inspirant de l’univers de ses peintres préférés ou pose pour des photographes qui l’ont repérées dans la rue ou sur le Net comme avec Pauline Darley.

Synthèse de ses passions, elle s’est lancée depuis quelque temps dans un projet des plus originaux et quelque peu narcissique (et alors ?) : faire découvrir à ses fans « les musées intimistes et insolites de Paris » en y posant elle-même pour des photographes, puisant l’inspiration pour sa tenue dans l’esprit même du lieu. « Ce projet risque d’être parfois laborieux, prévient-elle sur son blog, car il n’est pas toujours facile d’obtenir des autorisations pour les photos, mais j’espère vraiment pouvoir aider à construire le trait d’union entre musées et internet ». Esquissée au musée Ernest-Hébert fermé depuis, l’aventure s’est prolongée au musée Albert-Kahn et il y a quelques jours justement au musée Jean-Jacques Henner. Il y a mille et une manière d’aimer les musées et de les faire vivre. Voilà celui de Louise.


DANS LES COULISSES DU MUSÉE HENNER
Notre visite privilège au musée Henner nous a permis de pénétrer dans une zone encore fermée au public, le jardin d’hiver lové au coeur de l’hôtel-particulier. Centre de la vie mondaine de la société d’artistes et de personnalités reçues du vivant de Dubufe, les responsables actuels du musée comptent le restituer pour évoquer l’ambiance d’un salon de l’époque. Dans le fond, on voit encore la petite scène aménagée pour donner des concerts privés et autres mini-spectacles. Et l’on pense à Sarah Bernhardt dont la demeure rue Fortuny aujourd’hui détruite était mitoyenne.

Les travaux récents qui ont permis de redonner à l’hôtel particulier son cachet d’autrefois, d’en retrouver la polychromie murale éblouissante, ont mis à jour ici sous un plancher en béton une mosaïque intacte qui laisse par endroit la terre à nu d’où jaillissait le décor végétal (voir diaporama). Le sol originel à peine dégagé, il paraît que des fougères depuis des décennies en sommeil ont repoussé avant d’étouffer dans la poussière des gravats. Le jardin d’hiver recréé pourrait être le lieu d’événements culturels intimes ce qu’encourage fortement la mairie du XVII° : concerts, lectures et salon de thé.

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Agenda année 1903 de Jean-Jacques Henner © Bernard Hasquenoph

A l’opposé, sous les toits, on entre dans un atelier qui ne se visite pas. L’hôtel en possédait plusieurs, le plus spectaculaire au premier étage étant l’atelier d’apparat aux murs rouges et à l’ambiance orientalisante avec ses moucharabiehs égyptiens. A cette heure de la tombée du jour, la haute verrière s’ouvre sur un magnifique ciel de Paris aux nuages eux-même qu’on dirait peints. Quelques petits tableaux de Henner sont exposés sur une table. Et trois grands portraits sur chevalet, l’un représentant Montaubin sous-préfet d’Altkirch, étonnant avec ses petites lunettes noires (d’une étrange ressemblance avec Guillaume de Carpewebem), le second la vieille mère de l’artiste et enfin Rébecca, visage d’une jeune femme émergeant de la toile, peut-être plus mystérieuse encore car inachevée.

Claire Bessède nous présente également des dessins de l’artiste, des coupures de journaux de l’époque caricaturant ses femmes lascives avec beaucoup de crudité et, ce qui nous fit tous pâmer, l’un des agendas du Maître dans lesquels il notait ses rendez-vous professionnels, ses dîners mais aussi où il griffonnait, esquissait, jetait ses idées pour de futurs tableaux. Des petites merveilles qui seront, dans un futur plus ou moins proche, accessibles à tous grâce à la numérisation et dont on peut déjà voir quelques exemples sur le compte Flick’r du musée.

Le musée Jean-Jacques Henner fait partie de ses musées parisiens d’ambiance comme Gustave-Moreau (fréquenté par Proust) ou celui de la Vie romantique. Intimes et silencieux, ils permettent de plonger en même temps dans l’oeuvre d’artistes et dans l’atmosphère d’une époque. Comme des refuges... Loin, très loin de l’agitation moderne et des grands institutions muséales de plus en plus usines à touristes.

 :: MUSÉE JEAN-JACQUES HENNER À SA RÉOUVERTURE | 12.09 ::

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MUSÉE JEAN-JACQUES HENNER
43, avenue de Villiers
75017 Paris
Tél. 01 47 63 42 73

Internet
- www.musee-henner.fr
- www.henner-intime.fr
- Page Facebook
- Compte Flick’r

Horaires
- Fermé le mardi et certains jours fériés
- Ouvert du mercredi au lundi de 11h à 18h
- Nocturne jusqu’à 21h le premier jeudi du mois

Tarifs
- Plein tarif : 5 €
- Tarif réduit : 3 €
- Gratuité : conditions applicables dans les musées nationaux

Accès
- Métro : station Malesherbes ou Monceau
- Bus : 30, 31, 94
- Vélib’ : station n° 17019 au 20 rue de Phalsbourg


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:: Bernard Hasquenoph | 6/04/2010 | 09:34 |

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